Mort de Mike Ben Peter: le Ministère public abandonne l'accusation contre les policiers
Dans son acte d'accusation, le procureur Laurent Maye avait retenu l'homicide par négligence à l'encontre des six prévenus. Lundi pourtant, à l'heure de prononcer son réquisitoire, il a laissé tomber cette accusation.
Pour Laurent Maye, les six policiers lausannois ont bel et bien "violé les règles de prudence" lorsqu'ils ont maintenu durablement Mike Ben Peter sur le ventre et menotté, alors qu'ils tentaient de la maîtriser au cours d'un contrôle antidrogue.
Selon les relevés de radio, Mike Ben Peter est resté trois minutes dans cette position avant de perdre connaissance. Or il est enseigné aux policiers que ce type de plaquage ventral peut occasionner "une asphyxie positionnelle" et qu'un changement de position doit intervenir rapidement.
Toutefois, pour le procureur, il n'a pas pu être établi scientifiquement que ce plaquage ventral ait occasionné la mort de Mike Ben Peter. Il manque ainsi un "lien de causalité", a affirmé Laurent Maye pour justifier l'abandon des charges à l'égard des policiers.
"Usage excessif de la violence"
Prenant la parole dans la foulée du procureur, l'avocat de la famille de la victime a dit sa "honte", en sa qualité "d'auxiliaire de la justice", d'entendre une telle argumentation. "Le raisonnement du Ministère public est erroné", a dénoncé Me Simon Ntah.
Selon lui, il ne faut pas se focaliser sur le seul plaquage ventral, mais sur l'ensemble de l'intervention des policiers. Une arrestation qui a été, pour l'avocat, "un déferlement de violence" avec des coups à l'entrejambe et aux côtes, le recours à un spray au poivre, des clefs de bras et de jambes et un maintien sur le ventre.
"On tape d'abord et on réfléchit ensuite", a-t-il lancé au sujet de cette intervention. Les policiers ont agi de manière "disproportionnée" en faisant "un usage excessif de la violence", a-t-il martelé.
"Justice pour Mike"
En plus d'avoir "violé tous les devoirs de prudence", les policiers ont aussi "omis de faire preuve d'humanité" en continuant de maintenir Mike Ben Peter à terre, alors qu'il était "à l'agonie". Il a ainsi critiqué le comportement des policiers qui n'ont pas adapté leur comportement à la situation, alors que "la souffrance de Mike était perceptible".
Me Simon Ntah a demandé au Tribunal correctionnel de Lausanne de condamner les policiers pour que "la justice soit rendue pour Mike", pour qu'il ne soit pas "mort dans l'indifférence judiciaire" et pour que sa famille puisse tenter "d'accepter l'inacceptable".
La défense invoque aussi les expertises
Du côté des avocats des policiers, à l'instar du Ministère public, l'accent a été mis sur les expertises médico-légales, qui "montrent clairement" que le décès de Mike Ben Peter n'est pas dû à l'action des policiers, a noté Odile Pelet.
Le Nigérian de 39 ans souffrait du coeur et aurait déclenché, lors de son arrestation, un syndrome de délire excité. A savoir: une pathologie interne, provoquée par un événement extérieur, qui fait que la personne "s'excite tellement" qu'elle est victime d'un arrêt cardio-respiratoire, a relevé Juliette Perrin.
Sur le déroulement des faits, Xavier de Haller a assuré que les agents avaient agi de "manière graduelle et proportionnée" face à une personne "particulièrement oppositionnelle et virulente". Ils ont utilisé "les moyens à disposition", appris lors de leur formation.
Les policiers ont fait "leur travail correctement, sans commettre de faute", a renchéri Juliette Perrin. Pour elle, la mort de George Floyd aux Etats-Unis, évoquée par Me Ntah, n'a rien à voir avec cette affaire.
La Cour rendra son verdict jeudi.
ats/ther