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Départs en série et accusations de management toxique à Vaud Promotion

Vaud Promotion est en pleine crise interne
Vaud Promotion est en pleine crise interne / La Matinale / 5 min. / le 26 octobre 2023
D’après des informations du pôle Enquête de la RTS, un certain malaise règne autour de la structure chargée de promouvoir l’image de marque du canton de Vaud, largement financée par l’Etat. Vague de licenciements, de démissions et mauvaise gestion sont notamment dénoncées depuis l’arrivée d’une nouvelle directrice. Cette dernière dément fermement les accusations liées à son management.

Septembre 2023, conférence de presse en grande pompe de Vaud Promotion à l’IMD, prestigieux institut privé de formation en business et en management lausannois. Deux conseillères d’Etat sont présentes, Isabelle Moret et Valérie Dittli, pour le lancement de la nouvelle stratégie de Vaud Promotion. Objectif: augmenter la notoriété du canton en vantant tous ses mérites en Suisse et dans le monde. Budget alloué: 8,5 millions de francs, dont 80% financés par le canton. Slogan: "L’excellence vaudoise, ça commence ici."

Une image de marque qui contraste avec la réalité dépeinte par des documents et témoignages obtenus par la RTS.

Sur les trente personnes employées par la structure, plus de la moitié est partie en l’espace d’un an et demi, depuis l’arrivée de la nouvelle directrice, Florence Renggli, en mars 2022. Huit ont été licenciées, huit autres ont démissionné, parfois après des années de service. Une vague de départs qui perdurerait aujourd’hui. Le dernier licenciement date du début du mois d'octobre.

Lettre anonyme et plainte pénale

Questionnée sur ces nombreux départs, la direction de Vaud Promotion les justifie par une transformation de la structure depuis 2021, anciennement Office du Tourisme vaudois. Nouveau nom, nouvelles missions, nouvelles compétences nécessaires: il a fallu laisser partir celles et ceux qui n’étaient plus jugés compétents.

Mais d’après les recherches de la RTS, le management de la nouvelle directrice est aussi directement mis en cause.

En mai 2022, une lettre anonyme est envoyée au président de Vaud Promotion Michel Rochat, avec copie à l'ensemble du Comité directeur. La RTS s’est procuré cette lettre. Elle dénonce la gestion et l’attitude autoritaire de Florence Renggli et fait part de la souffrance au travail de plusieurs collaborateurs et collaboratrices. "Pressions inutiles, remarques désobligeantes, propos dévalorisants" sont notamment relevés. La missive demande au Comité directeur d’intervenir.

En réponse, Vaud Promotion et Florence Renggli déposent une plainte pénale contre X pour calomnie et diffamation, en août 2022. Des membres du personnel sont convoqués dans la foulée par la police judiciaire pour être auditionnés. Contacté, le Ministère public vaudois répond ne pas avoir découvert d’éléments suffisants justifiant l’ouverture d’une instruction pénale. L’auteur n’a pas pu être identifié à ce jour.

A la suite de cet épisode, Vaud Promotion précise avoir mis en place une personne de confiance au sein de la structure, pour recueillir les éventuelles plaintes du personnel.

"Management toxique et délétère", selon des témoignages

Cette lettre anonyme n’était-elle le reflet que d’un ou une employé mécontent? La RTS a contacté plus d’une dizaine d’ex-collaborateurs et collaboratrices de Vaud Promotion. Une partie, minoritaire, explique n’avoir jamais eu de problème avec Florence Renggli. La majorité, en revanche, sous couvert d’anonymat, évoque une ambiance "délétère et toxique", de "non-confiance et de non-respect", instillée par la directrice.

"Après des séances avec la directrice, il y a eu régulièrement des collègues qui étaient en pleurs et qui se posaient des questions sur leur avenir, des gens qui étaient malades", raconte un ancien employé jeudi dans La Matinale: "Il y avait une forme de peur, de mal-être, un sentiment de manipulation aussi. Pour la nouvelle directrice, on avait le sentiment que le but était vraiment d’assommer tout le monde, de dénigrer tout le monde."

Les témoignages évoquent aussi des propos "humiliants" et "rabaissants" de la part de Florence Renggli. Parfois jusqu’au traumatisme. Plusieurs personnes confient avoir été durablement blessées par leur expérience à Vaud Promotion et avoir mis du temps à s’en remettre, une fois parties. "J’ai été malmenée jusqu’à l’épuisement. Toute ma confiance en moi a été détruite. C’était l’enfer", témoigne, en pleurs, l’une d’entre elles.

"Dans une institution financée à 80% par l’Etat, on avait l’impression d’être dans une multinationale qui tire à boulet rouge sur ses employés", résume une autre.

D’après une source interne, ces comportements perdureraient encore aujourd’hui.

Démenti de la direction

La RTS a soumis ces faits et témoignages à la directrice Florence Renggli. Celle-ci affirme ne pas se reconnaître dans les propos tenus: "Ce sont des perceptifs qui sont mis en avant par vos témoignages. Ce n’est pas le perceptif que j’en ai et cela ne correspond pas, par ailleurs, à ce que l’ensemble des collaborateurs m’ont dit."

Selon la directrice, ces critiques seraient le fruit d’un ressentiment d’ex-employées et employés mécontents de leur sort: "Je peux comprendre, vraiment, que des gens à qui l'on a demandé de partir aient de la rancœur, qu'ils ne soient pas satisfaits de ce qui s’est passé. Je peux l’entendre. Mais je pense qu’aujourd’hui dans cette maison, nous sommes en capacité de parler, d’échanger. C’est en tout cas ce que j’instaure, ce sont des valeurs importantes pour moi."

Six cadres de Vaud Promotion ont d’ailleurs remis à la RTS, devant leur direction et dans les locaux de Vaud Promotion, une lettre dans laquelle ils déclarent ne pas reconnaître l’ambiance et le mode de management décrits dans les témoignages.

Vaud Promotion auditionné par le Canton

La RTS a également sollicité le président de Vaud Promotion Michel Rochat, chargé de représenter le Conseil d’Etat vaudois au sein de la structure, via une lettre de mission.

Il a tenu à répondre à nos questions aux côtés de Florence Renggli et suit la même ligne que la directrice: "Je suis très souvent dans les locaux de Vaud Promotion, je vois les collaborateurs tous les jours, je discute avec eux de manière très ouverte. Si ces éléments étaient avérés, ils me seraient revenus et j’aurais pris des mesures."

Pour le président, les témoignages recueillis ne sont pas relevants. Il réitère son soutien à Florence Renggli: "Le climat est sain, très professionnel. Les gens sont fixés sur leurs objectifs et ils travaillent en équipe. Je trouve que c’est un excellent travail qui est fait en fonction des objectifs qui nous sont donnés. Je ne peux que remercier la direction et l’ensemble des collaborateurs". Rien à signaler donc, du côté de Vaud Promotion.

Mais qu’en pensent les autorités vaudoises, qui financent l'institution à hauteur de près de sept millions? Sollicitée, la cheffe du Département de l’économie, de l’innovation, de l’emploi et du patrimoine (DEIEP) Isabelle Moret, répond par la voix de son porte-parole. Aucune information sur des problèmes de management ne lui aurait été remontée à ce jour. Elle compte néanmoins entendre la présidence de Vaud Promotion dans les jours à venir. D’ailleurs, la rencontre a déjà été fixée.

Flore Amos/miro

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