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Des citoyens s’opposent à l’installation simplifiée des pompes à chaleur

Les oppositions face à l’assouplissement de l’installation des pompes à chaleur (vidéo)
Les oppositions face à l’assouplissement de l’installation des pompes à chaleur (vidéo) / La Matinale / 4 min. / le 8 novembre 2023
Le canton de Vaud a tenté d’alléger cet été la procédure pour poser des pompes à chaleur et ainsi encourager les propriétaires à changer d’installation, alors que deux tiers des chauffages du canton sont encore alimentés aux énergies fossiles. Mais des citoyens s'y sont opposés.

Fini les demandes de permis de construire pour les pompes à chaleur. En lieu et place, une simple annonce à la commune. Voilà l’assouplissement qui aurait dû entrer en vigueur le 1er août dans le canton de Vaud. Il était attendu par de nombreux propriétaires exaspérés par la lourdeur de la procédure. Mais c’était sans compter l’opposition d’une poignée de citoyens qui ont saisi la Cour constitutionnelle cet été.

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"Voie royale"

Les opposants – ils sont désormais une quarantaine – dénoncent la voie royale offerte aux pompes à chaleur comme si c’était "la" solution miracle, explique Jean-Daniel Noir, dans La Matinale de mercredi. Une pompe à chaleur "consomme quand même de l’électricité. Donc on va se retrouver à consommer davantage d’électricité en hiver, alors qu’on risque des pénuries, car on remplace le fossile – qui est évidemment à remplacer absolument – par des systèmes qui consomment de l’électricité".

Or, il regrette que l'on ne produise pas assez d’électricité en Suisse et que l'on soit donc obligé d’en importer, notamment de pays qui en produisent à partir d'énergies fossiles. De ce fait, les pompes à chaleur ne peuvent pas être considérées comme une source d'énergie "toujours propre", selon les recourants.

Isoler les bâtiments

Pascal Cretton, ingénieur en énergie des bâtiments, est l'un d'entre eux et il fustige cet automatisme: "le mazout c’est mal, alors on met une pompe à chaleur". Mais si le bâtiment est mal isolé et qu'"on remplace le mazout par quoi que ce soit d’autre ce sera le désastre". Et "la pompe à chaleur va consommer énormément d’électricité en hiver", poursuit Pascal Cretton. L’isolation devrait être une priorité pour les recourants.

Chaque propriétaire devrait aussi comparer les systèmes – pompe à chaleur, chauffage au bois, solaire thermique, etc. – pour choisir la meilleure option en fonction de sa situation, estiment encore les recourants. Ils dénoncent une mode pour les pompes à chaleur et regrettent que les autres sources d’énergie, comme les panneaux thermiques sur les toits pour récupérer la chaleur du soleil, soient déconsidérées.

Pour eux, il y a trop d'intérêts économiques en jeu et d'entreprises qui tirent profit de cet engouement.

La fin d’une "discrimination"

Ces critiques ne sont pas partagées par tous les spécialistes. Si "certaines entreprises ont un marketing agressif en faveur des pompes à chaleur, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain", réfute Marc Muller, ingénieur en énergie. La pompe à chaleur présente un réel gain d'énergie puisqu'elle consomme, par exemple, trois à quatre fois moins qu'un chauffage électrique classique, précise-t-il.

Et puis on ne peut pas se permettre d’attendre que tous les bâtiments soient rénovés avant de changer les chauffages. "Avec la main d'oeuvre dont on dispose, il va falloir 30 ans avant d'assainir tout le parc immobilier. Donc c’est très difficile de tenir la théorie qu'on isole les bâtiments d'abord, sinon il va falloir attendre 30 ans", argumente Marc Muller.

Il rappelle enfin que c'est la seule énergie renouvelable qui exige encore systématiquement un permis de construire dans une maison vaudoise. Cet assouplissement du canton, c'est la fin d'une discrimination selon lui.

>> Lire également : Un record de subventions pour les rénovations énergétiques des bâtiments en 2022

Un pas de plus

De leur côté, les autorités vaudoises rejettent les arguments des recourants en rappelant qu'elles soutiennent toutes les énergies renouvelables et que l'isolation n'est pas oubliée. Elle est dans le projet de loi sur l'énergie qui est actuellement en consultation. Par ailleurs, aujourd'hui déjà, seuls les bâtiment isolés peuvent toucher la subvention pour une pompe à chaleur.

La conseillère d'Etat Christelle Luisier Brodard rappelle que cette simplification était demandée de longue date par les propriétaires. "On a eu des cas où des propriétaires ont préféré remplacer des chaudières à mazout par de nouvelles chaudières à mazout, tellement c'était compliqué de poser une pompe à chaleur. C'est le genre de choses qu'on doit éviter."

Elle ajoute que cet assouplissement est un pas qui s'inscrit dans une politique globale. "On ne nie pas l'ampleur des défis. Mais c'est un pas sur le chemin de la durabilité."

Ce pas, c'est donc la Cour constitutionnelle qui doit désormais le valider, ou pas. Sa décision est attendue avant la fin de l'année.

Sujet radio: Sandrine Hochstrasser

Adaptation web: Julie Marty

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