Profitant du réchauffement climatique, le bostryche a élu domicile sous les écorces des arbres affaiblis par les sécheresses qui se multiplient chaque été.
Ces deux dernières années, toutes les forêts vaudoises, des Alpes au Jura, ont été touchées par ce scolyte ravageur, entraînant d'impressionnantes coupes forcées, écrit l'UDC Yvan Pahud, entrepreneur forestier, dans une interpellation déposée peu avant qu'il ne quitte le Grand Conseil pour le Conseil national.
Ernst Zürcher, ingénieur forestier et professeur émérite en sciences du bois, a expliqué les raisons de cet abattage dimanche dans l'émission Forum de la RTS: "On est bien sûr face à des arbres qui sont dépérissants, phénomène dû à la présence de cet insecte qui empêche l'acheminement de la sève élaborée dans les racines et dans les tissus vivants. Et là on coupe ces arbres parce que c'est encore du bois valable."
Une coloration bleu-gris
Ainsi, le marché est actuellement saturé par ces bois bostrychés qui ne trouvent pas de débouchés, vu l'ampleur des volumes. En outre, le bois atteint prend une coloration bleu-gris en raison de la présence d'un champignon inoculé à l'arbre par le bostryche, explique Yvan Pahud. Cette modification esthétique déprécie de près de moitié le prix du bois lors d'une vente.
Selon la recherche, ce bois ne perd aucune de ses qualités mécaniques s'il est récolté à temps, écrit-il dans son interpellation. "Ses résistances, en compression, traction et flexion sont les mêmes que celles d’un bois sain, ce qui permet donc d’en avoir le même usage."
Des quantités de bois à valoriser
Ernst Zürcher explique qu'on "pourrait tout à fait utiliser ce bois si les maîtres d'œuvre étaient d'accord de payer la même chose. Mais là, il y a un petit levier d'action qui consisterait à presser sur les prix au niveau des scieries. Car elles acceptent ce bois mais le paient moins cher. Toute la filière est influencée un peu par ça."
L'ingénieur forestier reconnaît ainsi que l'idée d'Yvan Pahud est "tout à fait justifiée", notamment celle de mettre en valeur le bois à l'échelon local. Il défend que "les municipalités ont en fait beaucoup de possibilités, par exemple la construction, la rénovation mais surtout l'isolation".
Pour Ernst Zürcher, "c'est un grand sujet parce qu'isoler les bâtiments, c'est une bonne possibilité d'économiser de l'énergie. [...] Et là, le fait d'isoler, donc d'envelopper l'intérieur, vous pouvez très bien le faire avec du bois bleu. Cela se fait en plusieurs couches: des couches non visibles en bois bleu, le reste de bois visible en bois de qualité normale. Donc là, les communes, les municipalités pourraient par exemple rénover et isoler l'intérieur de toutes les classes d'école."
Yvan Pahud souhaite quant à lui que le canton "donne l'exemple" et qu'il valorise ce bois bostryché dans ses constructions. Serait-il possible d'y avoir recours dans les futurs bâtiments de l'Etat, comme les gymnases en construction, demande-t-il? Il suggère également la mise en place de mesures de promotion en collaboration avec la filière bois. Vu l'ampleur des dégâts aux forêts, il est urgent d'agir, avant même l'été prochain, ajoute-t-il.
Interview radio: Thibaut Schaller
Adaptation web: furr avec ats