Après l'accident mortel sur un chantier à Prilly, le choc psychologique et les questions
Des soutiens d'urgence ont été rapidement mis en place pour accompagner les personnes touchées. Pierre Bader, coordinateur de l'Equipe de soutien d'urgence du canton de Vaud, a passé la journée de vendredi aux côtés des ouvriers dévastés, des témoins bouleversés et des familles endeuillées.
Avec l'aide de ses collègues, pasteurs et psychologues, il a assisté plus de soixante personnes en état de choc. "Elles avaient besoin d'exprimer leurs émotions et leurs questions vis-à-vis de l'accident", explique Pierre Bader, dans le 19h30 de la RTS.
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"Ces images me hantent"
Les images capturées par des amateurs montrent la scène de chaos à laquelle les ouvriers ont été confrontés. "Il y avait de la poussière partout. Les gens criaient. J'ai commencé à trembler et à pleurer", raconte anonymement un ouvrier.
Et de poursuivre: "J'ai pensé à tous ceux qui étaient sous l'échafaudage, à mes collègues. J'ai souvent croisé un jeune de 30 ans dans le bâtiment. Vendredi, je l'ai vu à 9h00. Il est mort. Il laisse trois enfants. J'ai vu sa femme arriver, en pleurs, criant. Ces images me hantent. C'est vraiment difficile!" En tout, trois personnes travaillant sur le chantier - un Suisse de 43 ans, un Cap Verdien de 35 ans et un Français de 30 ans - ont perdu la vie.
L'ouvrier interrogé par la RTS assure qu'il ne retournera pas travailler sur ce chantier. "Je suis ici pour bien travailler, pas pour risquer ma vie en me levant à 6h00."
Enquête en cours
Une enquête a été ouverte pour déterminer les raisons qui ont conduit à l'effondrement de l'échafaudage, dressé sur la façade nord de cette tour de soixante mètres de haut. Selon plusieurs témoins et ouvriers, un monte-charge se serait décroché, entraînant l'échafaudage dans sa chute.
Toutefois, la Police cantonale vaudoise n'a pas confirmé cette version, indiquant que les investigations sont en cours et qu'il est encore trop tôt pour parler des causes de l'accident. Un expert a été mandaté par le procureur de la division des affaires spéciales du Ministère public central pour faire la lumière sur le drame avec l'aide de la police.
"Auto-contrôle et confiance"
Bien que rares, de tels accidents se produisent parfois, souvent dus à des modifications des échafaudages plutôt qu'à leur montage initial, indique Cédric Cagnazzo, président de la Société des entrepreneurs suisses en échafaudages, au micro de l'émission de la RTS Forum.
"En Suisse, l'auto-contrôle et la confiance sont primordiaux, car il n'existe pas de loi imposant la réception formelle des échafaudages. La responsabilité est partagée entre le commanditaire, le monteur et l'utilisateur, chacun devant vérifier la sécurité de l'échafaudage", explique Cédric Cagnazzo.
Et d'ajouter: "Tout le monde n'est pas un expert, c'est peut-être le problème, il n'y a pas assez de formation dans ce domaine. Les gens sont parfois pressés, ou ils ne font pas attention et utilisent des échafaudages qui ont été modifiés."
Pietro Carobbio, responsable du secteur construction du syndicat Unia Vaud, souligne que ce type d'accident ne devrait pas être une fatalité et qu'il faut s'attaquer à ses causes. Bien que les accidents sur les chantiers aient globalement diminué de 12% ces dernières années, les accidents graves ont augmenté de 11%, dit-il.
Pietro Carobbio attribue cette hausse à trois facteurs: l'industrialisation des techniques de construction, la pression des maîtres d'ouvrage pour respecter les délais, et la pénurie de main-d'œuvre qualifiée.
Sujet radio et TV: Coraline Pauchard, Pascale Defrance et Jacqueline Pirszel
Adaptation web: vajo