"Je suis heureux là, je suis heureux... Ce soir, ça va être fricassée pour toute la famille!" François, passionné de mycologie, vient de découvrir un coin à champignons sous un sapin du Jura vaudois. Il remplit son panier devant les caméras de Mise au Point, début septembre. Un acte anodin... et pourtant illégal.
À mon avis, cette loi est faite pour être contournée
Depuis juillet, les nouvelles règles vaudoises interdisent en effet totalement la cueillette durant les sept premiers jours de chaque mois. Une interdiction qui s'ajoute à la limitation de la cueillette à deux kilos de champignons par jour et par personne, de 7h à 20h.
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"Oui, c'est illégal, mais j'assume, en espérant ne pas me faire choper par le garde-faune qui va me demander 150 francs et me prendre ma récolte. Mais à mon avis, cette loi est faite pour être contournée", estime le champignonneur.
Un avis partagé par d'autres amateurs de champignons. Sur les forums et les réseaux sociaux, la colère gronde: la mesure est jugée absurde et certains envisagent des actions de protestation.
Une exception romande
"Je regrette que ce soit perçu comme une injustice. Il ne s'agit pas de les stigmatiser, car le règlement contient bien d'autres dispositions que celles sur les champignons", rappelle Catherine Strehler-Perrin, directrice de la Division Biodiversité et Paysage du canton de Vaud.
Plus un patrimoine génétique est varié, mieux les espèces résistent aux aléas climatiques
D'autres cantons (Zurich, Lucerne, Obwald, les Grisons et Glaris) ont également instauré une interdiction de cueillette pendant plusieurs jours par mois. Mais Vaud fait cavalier seul en Suisse romande. Berne et Fribourg avaient testé la mesure dans les années 1990, avant de faire marche arrière: une étude montrait alors que la cueillette n'avait pas d'impact significatif sur la production de champignons.
"Cette étude ne s'intéressait pas à l'impact à long terme de la cueillette sur la diversité génétique des espèces, qui pourrait être menacée", nuance Catherine Strehler-Perrin, rappelant que "plus un patrimoine génétique est varié, mieux les espèces résistent aux aléas climatiques".
Sensibiliser plutôt que réprimer
Au-delà du flou autour de la diversité génétique, le piétinement des sols, lui, a un effet sur certaines variétés. Mais il n'y a pas que les champignonneurs qui arpentent les forêts et ceux-ci s'estiment donc victimes d'une injustice.
C'est d'ailleurs ce que relève Alexandre Berthoud, député PLR au Grand Conseil vaudois, qui a déposé une motion visant à supprimer cette interdiction. "Est-ce qu'on va interdire en forêt les personnes qui font de la course à pied, de l'équitation ou du VTT? Je trouve qu'il y a une inégalité de traitement par rapport aux champignonneurs", argue-t-il.
Jusqu'à la fin de l'année, on va faire de la prévention. Mais à partir de l'année prochaine, des amendes d'ordre seront distribuées
Alexandre Berthoud met en avant la liberté d'accès à la forêt et "la possibilité de se ressourcer tout en ramassant des champignons pour les consommer en famille".
Sur le terrain, l'application des règles se fait rare et la sensibilisation prime sur la répression. "Jusqu'à la fin de l'année, on va vraiment faire de la prévention. Mais à partir de l'année prochaine, des amendes d'ordre seront distribuées", précise l'inspecteur de la Police Faune-nature Michael Thomi, qui concède également que la priorité ne sera pas donnée à la chasse aux champignonneurs hors-la-loi. "Sauf s'il y a dénonciation ou si on constate des abus..."
La saison de la cueillette touchera à sa fin avec l'arrivée de l'hiver. L'occasion pour les champignons de se reposer et pour le débat de gagner en sérénité.
Sujet TV: Romain Miranda
Texte web: Victorien Kissling