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"Ces derniers mois, c'était infernal": le deal de rue fait monter la tension à Yverdon

Deal de rue à Yverdon
Deal de rue à Yverdon / Mise au point / 13 min. / le 29 septembre 2024
Riverains, policiers, toxicomanes et politiciens locaux s'accordent tous pour dire que la situation s'est dégradée ces derniers mois au centre d'Yverdon-les-Bains. En cause: la banalisation de la cocaïne et de son dérivé, le crack. Reportage dans les environs de la gare, haut lieu du deal de rue dans le canton de Vaud.

"Tout a changé en très peu de temps", témoigne Alex. Toxicodépendant depuis 35 ans, il se dit choqué par la violence à laquelle il a assisté ces derniers mois. "Il y a même plus d'amitié. Tu peux être par terre en manque, les gens en profiteront encore pour te faire les poches au lieu de t'aider. Ce qui n'était pas le cas lorsque l'héroïne était dominante sur le marché", raconte-t-il dans l'émission Mise au point.

Interrogé sur le marché du mardi, un commerçant rappelle que le Jardin japonais — le parc à proximité de la gare — a toujours été la plaque tournante de la drogue dans le chef-lieu du Nord vaudois. "Mais ces derniers mois, c'était infernal", lâche-t-il.

"On élit des gens pour qu'ils cherchent des solutions"

"Je viens de la banlieue parisienne. J'étais étonnée de voir que c'était en plein jour, devant tout le monde, dans un lieu où il y a des enfants et des passants. Je me suis dit que c'était une drôle de situation", raconte à côté de sa poussette une femme. Interpellée sur place, elle accepte de signer la pétition cantonale intitulée "Le deal de rue, ça suffit!". Ce texte, qui se veut apolitique, sera remis à la fin de l'année au Grand Conseil.

>> A lire au sujet de cette pétition : Une pétition demande au canton de Vaud d'en faire plus pour gérer le deal de rue

Les pétitionnaires souhaitent que le Parlement cantonal rédige une motion pour la transmettre au Conseil d'Etat. Objectif: que le gouvernement cantonal "mette en œuvre les lois qui existent et qu'il mette les moyens" contre le deal de rue, indique Samuel Dyens, le vice-syndic du village nord-vaudois de Concise, qui récolte ce jour-là les signatures. "Je n'ai pas la solution, mais on élit des gens pour qu'ils cherchent, eux, des solutions", lance l'élu libéral-radical.

La Ville prend des mesures

Les autorités yverdonnoises ne sont pas restées les bras croisés devant la dégradation de la situation. La Kipole, un ancien kiosque converti en refuge pour marginaux, vient de fermer ses portes. La ville a également condamné les toilettes publiques sises dans le même bâtiment. Ce lieu central attirait trop de toxicomanes et de dealers, selon ses détracteurs.

>> A lire également : Yverdon ferme une structure pour marginaux gagnée par le deal

La police a également musclé sa présence sur place. Elle mène ainsi des opérations coup de poing. Lors de l'une d'elles, les policiers encerclent la place afin d'interpeller des vendeurs présumés. En 15 minutes, les agents arrêtent six suspects et les emmènent à l'écart, dans un lieu discret, pour un contrôle d'identité. Tous seront relâchés quelques heures plus tard, aucune drogue n'ayant été trouvée sur eux.

Avec de telles actions, les forces de l'ordre cherchent à "tenir le terrain, éviter que le marché du stup ne croisse et ramener un sentiment de sécurité dans le périmètre de la gare", selon Marc Dumartheray, le commandant de la police du Nord vaudois.

Lorsque la RTS s'est rendue sur place, les policiers ont fait chou blanc: aucun des dealers présumés arrêtés à la gare et à la place d'Armes n'avait de drogue sur lui.
Lorsque la RTS s'est rendue sur place, les policiers ont fait chou blanc: aucun des dealers présumés arrêtés à la gare et à la place d'Armes n'avait de drogue sur lui.

Une place de jeu inaccessible la nuit

Par ailleurs l'accès à la place de jeu du parc est désormais interdit et surveillé la nuit, afin d'empêcher les toxicodépendants d'y consommer des substances et d'y laisser leurs pipes à crack ou seringues.

Le municipal en charge de la sécurité Christian Weiler admet que ces actions visibles ne risquent que de déplacer le problème. "Si le problème a émergé sur cette partie, c'est notamment parce qu'on avait renforcé l'action sur la gare", explique-t-il.

Les environs de la gare à Yverdon-les-Bains, et surtout le Jardin japonais au centre, sont un haut lieu de la drogue depuis des années, mais la situation s'est dégradée ces derniers temps à cause du deal de crack et cocaïne.
Les environs de la gare d'Yverdon-les-Bains, et surtout le Jardin japonais au centre, sont un haut lieu de la drogue depuis des années, mais la situation s'est dégradée ces derniers temps à cause du deal de crack et cocaïne.

Les limites de la répression policière

L'élu PLR souligne aussi que la répression seule ne suffit pas. La municipalité assure miser sur l'approche des "quatre piliers" dans sa lutte contre la drogue: répression, prévention, thérapie et réduction des risques liés à la consommation.

"Nous avons demandé [avec les Villes de Lausanne et de Vevey] au Canton une task force des quatre piliers. Arrêter plus pour relâcher plus n'a pas de sens. On peut arrêter 20-30 personnes avec la police cantonale. Après trois jours, c'est de nouveau la même chose… Mais montrer aux dealers qu'ils ne sont pas ici sur leur territoire, ça oui. C'est chez nous ici", développe Christian Weiler.

>> A lire aussi : Lausanne, Yverdon et Vevey demandent au canton de réagir face au deal de rue

Davantage de consommateurs

En Suisse, la consommation de drogues illégales est encore majoritairement liée au cannabis. La cocaïne et ses dérivés arrivent cependant en deuxième position, avec un nombre de consommateurs en forte augmentation en 20 ans.

Selon les chiffres de la Confédération, en 2022, 1% des 15-64 ans avaient consommé de la cocaïne au moins une fois en un an.

La coke et le crack, des drogues dures, se répandent encore davantage depuis la période du Covid, peut-être pour s'évader d'une société toujours plus "dure" elle aussi.

Reportage TV: Christophe Ungar

Texte web: Antoine Michel

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Ruben Ramchurn: "Je pense qu'il faut parler de ces choses"

Le controversé ancien président de la section locale de l'UDC Ruben Ramchurn s'est lancé dans une croisade contre le deal de rue. Ce membre du Conseil communal, qui siège aujourd'hui en tant qu'indépendant, diffuse sur les réseaux sociaux des vidéos, filmées avec son téléphone, montrant des dealers à l'œuvre.

"Je pense qu'il faut parler de ces choses. Il faut les jeter dans la lumière", justifie-t-il. "On peut appeler cela de la provocation, mais ça a en tout cas été un moyen de faire bouger les choses. Et si provoquer, c'est faire bouger les choses, il fallait provoquer", ajoute-t-il.