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La police vaudoise forme ses futurs agents à la lutte contre les discriminations

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Comment forme-t-on les policiers aux questions de racisme et de discrimination? / La Matinale / 4 min. / le 30 septembre 2024
La police vaudoise sensibilise ses agents en formation à la lutte contre le racisme et les discriminations. Ces derniers mois, plusieurs affaires judiciaires comme le procès sur les circonstances de la mort du Nigérian Mike Ben Peter lors d’un contrôle anti-drogue à Lausanne ont défrayé la chronique.

La formation sur les questions de racisme et de discriminations à laquelle a pu assister la RTS est dispensée aux futurs agents sous la forme d’un module de deux jours et demi. Il est destiné aux futurs policières et policiers des neuf polices communales vaudoises et de la police cantonale. Il s'agit de la seule formation obligatoire pour tous les membres de la police au cours de leur carrière sur ces questions.

Le cours est mené par le remplaçant-commandant de la police cantonale vaudoise. "J’entends des personnes qui vont me dire qu'elles ne sont pas racistes, qu'elles ont grandi dans une société parfaitement diverse", déclare Patrick Suhner. "Mais si vous avez un collègue qui se met à déconner, vous faites quoi, dans votre position de jeune policier?", demande-t-il à la centaine de jeunes présents, dont environ 30% de femmes.

Pas de place pour les discriminations

Cet enseignement est donné au début de la deuxième année de formation, après une année passée à Savatan. La hiérarchie veut passer un message ferme et clair: dans la police d'aujourd'hui, le racisme et les discriminations n'ont plus leur place.

Une patrouille du corps de gendarmerie de la Police cantonale vaudois en inspection. [KEYSTONE - LAURENT GILLIERON]
Une patrouille du corps de gendarmerie de la Police cantonale vaudois en inspection. [KEYSTONE - LAURENT GILLIERON]

"Les policiers doivent se comporter de manière consciente, responsable et professionnelle, au risque d'entacher la réputation des forces de l'ordre", souligne Patrick Suhner. Le cours vise à apporter des outils aux apprentis pour gérer les situations complexes sur le terrain mais aussi pour faire face à de potentielles insultes.

Ces connaissances sont développées à travers des ateliers, des exercices de théâtres ou les récits de victimes de pratiques policières brutales. "Le but de ces formations n’est pas d’imposer un dogme, mais de permettre aux policiers d’être à l’aise dans les situations parfois complexes. De pouvoir objectiver, argumenter et traiter chacun avec humanité", précise le remplaçant-commandant, qui rappelle que dans 80% des cas, la population fait confiance aux policières et policiers.

Les retours d'expérience permettent de "nous sensibiliser" et "nous donnent également des outils pour pouvoir mieux appréhender ce genre de situations par la suite", souligne Morgane, policière en deuxième année de formation, au micro de la RTS. Il s'agit "de travailler au mieux, dans le respect", mais "aussi de garder la confiance du citoyen".

Une formation trop courte?

La durée de la formation, enseignée uniquement en deux jours et demi, et l’absence de cours de répétition obligatoire au cours de la carrière interroge. Pour le responsable de la police cantonale vaudoise, l'accent est mis sur le long terme, afin d'"identifier les bonnes personnes pour suivre les bonnes formations au bon moment de leur carrière". Patrick Suhner estime également que ces modules "portent leurs fruits", avec la disparition de certaines attitudes, bien qu'il soit impossible d'exclure des actions individuelles.

Lorsqu’ils accèdent à des fonctions managériales, les cadres de la police suivent, de leur côté, une formation obligatoire supplémentaire. Tous les employés peuvent également s'inscrire à des formations continues et assister aux débriefings de cas complexes.

Participation de la société civile

Le module n'est pas donné uniquement par la police. Depuis quelques années, l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) et le Bureau cantonal pour l'intégration des étrangers et la prévention du racisme (BCI) sont parties prenantes. Une démarche importante à leurs yeux, dans l'espoir de voir certains actes de violence disparaître.

"La prévention du racisme, en tant que politique publique, est récente", explique Amina Benkais-Benbrahim, responsable du BCI. Par conséquent, "on expérimente, on découvre, on écarte ou on développe".

Le but est de "planter une graine" sur le long terme, afin de créer des signaux d'alertes conduisant d'abord à la réflexion avant l'acte. Et Amina Benkais-Benbrahim de saluer l'implication de la part de la hiérarchie de la police vaudoise, qui donne l'impulsion à ces formations. "Grâce à leur message ferme, les trois quarts du travail qui sont faits", estime-t-elle.

Jean-David Pantet Tshibamba, activiste social et co-fondateur du Think Thank UPYA a lui-même vécu une expérience douloureuse dans sa jeunesse. Aujourd’hui, il participe à ces cours de prévention pour créer des ponts "entre deux mondes".

"Il y a un certain nombre de problèmes de comportements aujourd’hui encore avec la police", reconnaît-il. "Mais je suis persuadé qu’on trouvera ensemble des solutions pour régler ces problèmes. Le racisme est un problème sociétal. Le combat est extrêmement long, estime l’activiste social, mais nous sommes sur la pente positive pour réconcilier la police avec cette part de la population qui n’a pas confiance en elle."

Reportage radio: Céline Tzaud

Adaptation web: Mérande Gutfreund

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