Tous les dégâts subis par le fleuron de la flotte Belle Epoque ne sont pas encore connus. Mais "on peut déjà affirmer qu'ils sont importants", a indiqué Pierre Imhof, directeur de la Compagnie générale de navigation sur le Léman (CGN), lors d'un point presse.
Invité samedi soir dans l'émission Forum, il évoque une "nuit d'angoisse et d'insomnie". "Maintenant, on est rassurés, parce qu'il a pu être sauvé et déplacé dans le chantier d'Ouchy, où il est sécurisé."
Le Simplon "aurait vraiment pu couler"
Le vapeur centenaire a enduré "une grosse voie d'eau à l'arrière", qui a nécessité des opérations de pompage. La salle des machines a aussi été touchée, mais plus légèrement. Une partie de la coque a été déchirée au-dessus de la ligne de flottaison. Les cuves à mazout ont été en grande partie vidées et aucune fuite n'a été constatée.
D'après Pierre Imhof, le bateau aurait vraiment pu couler durant la nuit. "Les éléments étaient vraiment déchaînés, comme on l'a rarement vu", dit-il. "Il y a un nombre considérable de personnes qui ont participé à l'opération. On les laisse maintenant souffler et on attend la fin du week-end. Mardi, on évaluera l'ampleur des dégâts."
"Pesée des risques"
Comme les autres bateaux Belle Epoque de la CGN, le "Simplon" se trouvait en maintenance hivernale. Il avait été sorti jeudi sur le lac pour des essais, sans passager.
Il a alors connu une avarie (un problème de machine). Dans un premier temps, la CGN a tenté de le ramener en le tractant avec le "Ville de Genève". Mais les manoeuvres, notamment en raison des vagues, se sont avérées trop compliquées, les deux bateaux entrant même en collision.
La compagnie a alors procédé à "une pesée des risques" et décidé d'amarrer le "Simplon" sur un site "partiellement abrité", en l'occurrence au débarcadère "de sécurité" de Cully, a poursuivi Pierre Imhof.
Une "petite fenêtre météo" s'est ensuite présentée vendredi matin, mais la CGN n'a pas pu mobiliser assez rapidement "les ressources nécessaires" pour rapatrier le "Simplon" à Ouchy.
Encastré dans le débarcadère
Le bateau a alors été "sécurisé au maximum" à Cully, mais cela ne l'a pas empêché d'être violemment chahuté par la tempête. Sous les coups de vaudaire (un vent du Léman), il est venu frapper les rochers au bord des quais et s'est encastré dans le débarcadère. "Nous n'avions pas anticipé des conditions météo aussi extrêmes", a reconnu Pierre Imhof.
Le directeur a aussi écarté les critiques de MeteoNews, qui a jugé sur les réseaux sociaux qu'il était "suicidaire" de laisser ce bateau à Cully. "Il aurait été encore plus inconscient de laisser le bateau au large", a-t-il relevé.
Samedi matin, la CGN a profité d'une nouvelle fenêtre météo pour quitter Cully vers 10h30. Mais avant cela, il a encore fallu plusieurs heures aux secouristes pour scier les pieux en béton du débarcadère, dans lesquels le bateau était retenu prisonnier. Enfin libéré et remorqué par le "Léman", le "Simplon" est arrivé vers 13h00 à Ouchy.
Saison compromise
"Il faudra un peu de temps pour comprendre ce qui s'est passé et évaluer l'entier des dégâts", a continué Pierre Imhof. Une enquête a été ouverte par le Service suisse d'enquête de sécurité (SESE), notamment pour déterminer les responsabilités.
Bateau à vapeur le plus imposant de la flotte de la CGN, le "Simplon" avait soufflé ses 100 bougies en 2020. Long de 78 m, il peut accueillir 850 passagers.
Au vu des avaries subies, sa saison estivale, du moins son début, est compromise, a estimé Pierre Imhof. "C'est un crève-coeur, un coup porté à notre flotte Belle Epoque", a-t-il dit.
La conseillère d'Etat Nuria Gorrite, cheffe du département des infrastructures, s'est déplacée samedi à Ouchy pour assister à l'arrivée du "Simplon". Dans un communiqué, le Canton dit "partager la tristesse des amoureux du Léman et des navires historiques". Il salue aussi l'engagement des personnes qui ont oeuvré au sauvetage du bateau (pompiers, policiers, équipes de la CGN et ECA).
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ats/ebz/nr
"On est toujours plus intelligent après"
Après l'opération de sauvetage, des questions se posent sur les décisions qui ont mené à cette situation d'urgence, notamment l'amarrage au port de quilles pendant la tempête. Pierre Imhof affirme que la CGN a fait un choix calculé pour assurer la sécurité maximale du bateau. "L'amarrage à Cully jeudi soir n'était certainement pas une erreur", estime-t-il. "C'est un port qui est considéré comme sûr par rapport au type de vent qui soufflait à ce moment-là."
"On aurait bien voulu le ramener le lendemain à Lausanne, mais on a dû abandonner l'idée parce que la fenêtre météo était trop courte. (...) Il y avait la crainte que le vent se lève et souffle plus fort pendant le remorquage, ça aurait été catastrophique si on avait été au large avec plusieurs bateaux, qui devaient tirer et escorter le Simplon, ça aurait pu entraîner une catastrophe en série", explique-t-il.
"On était conscients des risques", précise-t-il encore. "À un moment donné, on a fait une pesée de risque entre un naufrage pendant le transfert ou sur le port. On a choisi d'aller sécuriser le bateau au maximum. C'est le choix qui a été fait à ce moment-là, en fonction de ce qu'on connaissait et de ce qu'on savait."
Également interrogée dans Forum, la présidente des vert'libéraux lausannois Virginie Cavalli, elle-même navigatrice, rappelle que la météo est très imprévisible sur le Léman. "Je crois que ce n'est pas le rôle du politique de chercher des coupables, en tout cas à ce stade. Ce qu'il faudra déterminer, c'est si tout a été fait de façon diligente dans l'enchaînement des décisions", commente-t-elle. "Mais on est toujours plus intelligent après, c'est la réalité de l'histoire."