Si l'émotion est quelque peu retombée après la prise de treize personnes en otage dans un train près d'Yverdon jeudi soir, leur libération après quatre heures dans le wagon et la mort du preneur d'otages durant l'assaut de la police, les questions demeurent.
>> Lire aussi : "Nous pensions que nous allions tous nous faire ligoter", témoigne un des passagers pris en otage à Yverdon
Même sans connaître exactement les motifs de l'individu, un requérant d'asile iranien de 32 ans, son parcours tourmenté à travers le système d’asile suisse et ailleurs en Europe interroge. Ces circonstances semblent avoir joué un rôle dans son comportement, sachant aussi qu’il avait fait l’objet d’avis de disparition et que les autorités avaient identifié des propos paranoïaques et un risque suicidaire.
Traitement brutal ou politique d'asile trop souple?
A partir de ces constatations, les avis peuvent être diamétralement différents. A gauche, on estime que cette personne a manqué de soutien et d’accompagnement. Le parti vaudois Solidarités Ecologie dénonce un traitement "brutal et inhumain" des requérants et il va même jusqu’à dire que c’est l’Etat qui porterait la responsabilité du drame.
L'UDC donne pour sa part une interprétation totalement opposée, y voyant un nouvel abus généré par une politique d’asile dénoncée comme trop souple et qui favoriserait la criminalité.
Ces prises de position vont dans le sens des revendications habituelles des formations politiques. A Berne, ni la gauche, ni l'UDC ne sont majoritaires, alors leurs nouvelles demandes de plus de soutien ou de plus de fermeté n'auront que peu d'impact. Un élu du centre-droit contacté par la RTS n'y voit d'ailleurs que de la gesticulation.
Détecter et prévenir ce genre de situations
L'ouverture est un peu plus large en revanche sur l'idée de réfléchir à la détection et la prévention des situations de ce genre. Autrement dit le suivi de requérants qui ne sont pas radicalisés mais fragilisés au point d'être instables voire dangereux. Le lien est fait avec l'agitation survenue en décembre autour d'un Algérien menaçant dans une école de Cortaillod (NE).
>> Lire aussi : L'homme arrêté près d'une école à Cortaillod (NE) n'était pas radicalisé
Le temps est venu de faire le bilan de la procédure d'asile actuelle, disait le conseiller d'Etat neuchâtelois Alain Ribaux dans le 19h30. Il évoquait des moyens supplémentaires pour la sécurité, l'accompagnement et la détection des risques, tout en plaidant pour des centres d'asile plus petits.
Un débat qui va s'inviter aux Chambres
Le Conseil fédéral demeure lui discret depuis les faits, même si le ministre en charge de Justice et Police Beat Jans a rapidement réagi sur X: "Le Secrétariat d'Etat aux migrations va analyser ce cas et les conséquences éventuelles avec les cantons concernés."
Au-delà de cela, ni le Secrétariat aux migrations, ni le conseiller fédéral n'ont fait de commentaires. Mais ce n'est que provisoire, car la prochaine session du Parlement fédéral débute dans quinze jours. Le Conseil des Etats débattra de plusieurs demandes sur la sécurité autour des centres d’asile, de l'accompagnement des requérants ou encore de l'efficacité des renvois.
Et avec encore l’heure des questions, ce sera véritablement le premier grand oral pour Beat Jans qui vient de reprendre ce dossier de l'asile décidément toujours très exposé.
Sujet et interview radio: Etienne Kocher et Valentin Emery
Adaptation web: Frédéric Boillat
L'enquête se poursuit
Même si le preneur d'otages est mort durant l'assaut de la police, l'enquête se poursuit dans le canton de Vaud. C'est le procureur général Eric Kaltenrieder qui mène les deux enquêtes, celle sur le preneur d'otages lui-même et celle sur sa mort. L'une prend de fait fin avec le décès de l'individu, mais les investigations se poursuivent pour examiner les circonstances dans lesquelles le policier a été amené à faire usage de son arme.
L'enquête concernant le tir du policier est un processus usuel et pas propre à cette affaire, confirme Eric Kaltenrieder dans Forum. "A partir du moment où quelqu'un fait usage d'une arme et qu'il y a un décès, une enquête doit être ouverte."
Ce décès a fait réagir plusieurs élus vaudois ce week-end, certains s'interrogeant sur la proportionnalité de l'intervention policière et l'usage de l'arme. Eric Kaltenrieder précise que le policier est en droit de tirer dans certaines circonstances, notamment en légitime défense ou pour protéger des victimes potentielles. "Ce sont autant de questions légitimes qui se posent dans notre affaire et feront l'objet de notre instruction."
Le procureur général ajoute que l'enquête passera notamment par l'analyse des images de vidéosurveillance dans les rames du train et des échanges WhatsApp avec les otages.
Eric Kaltenrieder convient également qu'il peut être pesant pour le policier placé sous enquête après avoir fait usage de son arme, car l'instruction pénale peut prendre beaucoup de temps.
A la question de savoir qui va défendre les droits du requérant d'asile iranien, le magistrat n'en sait pas plus pour le moment, car une éventuelle famille n'a pas encore pu être identifiée et contactée. "Personne ne s'est manifesté."