Les activistes pro-palestiniens autorisés à occuper un bâtiment de l'Unil jusqu'à lundi
Dans la foulée des contestations étudiantes qui prennent de l'ampleur sur les campus aux Etats-Unis, au Canada ou en France, une cinquantaine de manifestantes et manifestants ont répondu à un appel à occuper ce bâtiment. Ils soulignent toutefois leur volonté de rester "pacifiques" et "respectueux des lieux".
>> Lire aussi : Le mouvement pro-palestinien s'étend sur les campus américains, des négociations sont en cours
Des drapeaux palestiniens ont été déployés au sol et la contestation s'est tenue dans le calme, au cri de slogans tels que "Free Palestine". Un tract affiché à l’entrée du bâtiment appelle à rejoindre la mobilisation en cours.
Les personnes présentes réclament globalement un cessez-le-feu immédiat et permanent sur tout le territoire palestinien, le rétablissement immédiat des financements de l'UNRWA ou encore "l'arrêt de la répression contre le mouvement de solidarité avec la Palestine".
Le rectorat tempère
Le recteur de l’Université Frédéric Herman s'est rapidement rendu sur place pour y tenir une discussion publique avec les activistes. Il a été conclu que ces derniers pourront rester dans les locaux jusqu'à lundi, "sans répression" de la part de l'université "tant que les manifestations resteront pacifiques".
Une assemblée générale du groupe est prévue lundi soir en présence du rectorat, qui apportera ses réponses aux revendications.
Ce blocage intervient alors que se tenait jeudi soir, dans un autre bâtiment de l'Unil, le premier d'une série de deux cours publics sur l'histoire du conflit israélo-palestinien. Ces deux cours ont été contestés par deux associations (lire 2e encadré).
Les universités suisses accusées de "complicité"
"Notre action est spontanée et n'a ni chef, ni dirigeant", expliquent-ils dans un communiqué transmis aux médias. "Les personnes qui occupent le bâtiment universitaire refusent d’être complices du génocide colonial perpétré par le régime d’apartheid israélien. Nous appelons tout le monde à nous rejoindre et aux membres d’autres universités et hautes écoles à se mobiliser également!"
En Suisse aussi, les universités et hautes écoles "participent au carnage" par le biais de "multiples accords entre nos institutions qui permettent et encouragent des mobilités depuis ou vers Israël", estiment-ils, citant notamment le consortium de recherche scientifique et technologique EuroTech Universities Alliance, dont fait partie l'EPFL mais aussi l'institut israélien Technion, qui entretient des liens étroits avec l'armée israélienne.
Comparaison avec les réactions à l'invasion de l'Ukraine
Les activistes estiment que ces universités israéliennes participent à la "légitimation du régime d'apartheid et la perpétuation de la colonisation et de l’oppression". "Loin d'être des bastions de démocratie et de pensée critique, ces institutions entretiennent des liens étroits, souvent financiers, avec l'armée d'occupation", avec des recherches "délibérément orientées vers l'industrie de l'armement", écrivent-ils encore dans le communiqué.
Ils demandent donc, entre autres, à l'Université de Lausanne d'élaborer une liste des collaborations en cours avec des institutions israéliennes, leur interruption immédiate jusqu'à ce qu'Israël respecte un cessez-le-feu permanent et le droit international, ou encore une "politique proactive d’accueil et de soutien envers les étudiants et chercheurs palestiniens, similaire à ce qui avait été mis en place suite à l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe".
jop
Une association féministe suspendue à l'EPFL après une conférence pro-palestinienne
À l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), voisine de l'Unil, la direction n'a pas été aussi compréhensive avec les mouvements pro-palestiniens. L'association féministe Polyquity, qui lutte contre toutes les discriminations sur le campus de l'EPFL, annonce jeudi soir qu'elle a été suspendue sur le campus par la direction de l'institution, pour des raisons considérées comme "injustes", écrit-elle dans un communiqué.
Le groupe, à l'origine de la campagne #PayetonEPFL et qui se revendique comme seule association féministe du campus, évoque une "mesure jamais vue" qui fait suite à une conférence d'une militante féministe antiraciste, dénoncée par un groupe d'étudiants juifs pro-israéliens.
"Nous ne voulons pas voir les mobilisations arriver en Suisse"
Dans une lettre ouverte adressée à la direction, ces derniers reprochent notamment à l'intervenante d'avoir dénoncé "l'instrumentalisation des cas de violences sexuelles pour légitimer la politique colonialiste d'Israël", mais aussi d'avoir utilisé les termes "régime d'apartheid" ou "génocide reproductif", ou encore d'avoir encouragé la solidarité internationale avec la Palestine.
"Nous ne voulons pas voir ce qui se passe au Canada, aux Etats-Unis ou en France arriver en Suisse. L'EPFL a une réputation d'impartialité (...) le campus n'est pas un lieu où le débat doit être tenu", a expliqué un membre de ce groupe au 19h30.
"À notre plus grande surprise, l’EPFL prétend la tenue de propos 'haineux et menaçants', ce que tout le public présent peut démentir", rétorque Polyquity dans son communiqué. "La volonté de la direction est claire, interdire tout évènement parlant de la Palestine. Depuis le 7 octobre, aucune mention du drame en cours en Palestine n'est autorisée sur le campus", accuse le texte.
Deux conférences controversées
L'Université de Lausanne organisait jeudi soir une conférence sur "l'histoire du conflit israélo-palestinien", le premier d'une série de deux cours publics qui suscitent la controverse. Intitulé "La Genèse d’un conflit: Palestine-Israël (19e-20e siècle)", il a suscité beaucoup d'intérêt. Plus de 600 personnes y ont assisté, mais beaucoup d'entre elles n'étaient pas des étudiants ou étudiantes de l'Unil.
Le choix des deux intervenants - l'un titulaire de la chaire d'histoire de l'islam et des mondes musulmans et l'autre de la chaire d'histoire des juifs et du judaïsme - et de l'angle adopté, celui de la théologie et l'histoire religieuse, a toutefois été vertement critiqué par deux associations.
La première, une nouvelle association nommée "Palestine", a "conseillé à l'université d'annuler le cours", le jugeant "incompatible avec l'attente de neutralité", a rapporté mercredi le journal 24 Heures. L'un des professeurs incriminés s'est notamment exprimé en mars, dans le même journal, via une prise de position critiquant l'autorisation par la Municipalité de Lausanne d'une manifestation appelant à stopper "le génocide" à Gaza.
Choix assumé par l'Unil
Le Groupe Regards Critiques (GRC), formé d'étudiants et d'assistants de l'UNIL, regrette quant à lui que ce cours soit assuré par des professeurs de la Faculté de théologie et place le conflit dans un cadre religieux. "Il s'agit d’un conflit politique et d'une situation coloniale", relève un porte-parole interrogé par le 24 heures.
L'Unil, de son côté, précise qu'elle avait à cœur d'examiner ce conflit sous un angle historique et non géopolitique. Cette opportunité d'ouvrir le débat a été saluée par d'autres associations d'étudiants. Le deuxième cours est prévu le 23 mai.