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Les enseignants vaudois apprennent à réagir face à un tireur fou

Formation contre les menaces dans les établissements scolaires vaudois
Formation contre les menaces dans les établissements scolaires vaudois / La Matinale / 4 min. / le 30 mai 2024
En cas d'intrusion d'un tireur dans une école, les enseignantes et enseignants doivent déclencher le dispositif anti-attaques baptisé "Amok". Le Canton de Vaud va achever ces prochains jours la campagne de préparation lancée en 2019 et interrompue par la pandémie de Covid-19. La RTS a pu assister à l'une des formations au Gymnase de Bussigny. Reportage.

Il est 10h00, un individu armé pénètre dans le gymnase et tire: ce scénario dramatique n'est que pure fiction. C'est celui d'un film de prévention de dix minutes, assez intense, produit par la Police cantonale vaudoise et le Canton pour former les enseignantes et enseignants à un tel événement.

Mercredi dernier, au Gymnase de Bussigny, une vingtaine de personnes assistaient à la formation "Amok", le plan anti-attaques dans les établissements scolaires (lire encadré). Le directeur et la cellule de crise de l'établissement, constituée d'enseignants, de secrétaires et de psychologues, étaient présents.

La formation est donnée à chaque fois par un duo police-Département de la formation. "L'objectif est de leur expliquer quel est le rôle de l'enseignant dans une telle situation et de les rendre attentifs à tout ce qui doit être préparé dans l'établissement, (...) parce que les situations 'Amok' peuvent être extrêmement anxiogènes", indique jeudi dans La Matinale la directrice du Gymnase de Burier Suzanne Peters, qui donne ce jour-là la formation avec l'adjudant Pascal Fontaine.

>> Relire : Des disparités entre les cantons concernant le dispositif de prévention des attaques "Amok"

Formation théorique

La formation est théorique: un film, une présentation et des questions. Il n'y a pas de jeux de rôle, pas d'exercices pour appuyer sur le fameux bouton d'alarme 'Amok', qui sera installé à terme dans tous les établissements scolaires vaudois. Chaque cas et chaque établissement étant différent, le Canton préfère miser sur les bons réflexes.

L'une des participantes à la formation relève que cela permet de "déclencher un certain automatisme qui pourrait nous protéger". "Cela m'a interpellée, car on a de la peine à croire que c'est quelque chose qui pourrait arriver chez nous, confie une autre personne formée. Mais c'est utile de différencier, par exemple, l'alarme 'Amok' de l'alarme incendie".

Avec l'alerte 'Amok', il ne faut pas regrouper tous les élèves dehors comme en cas d'alarme incendie, et elle n'est pas non plus reliée directement à la police. C’est aux personnes à l’intérieur de l’établissement d’avertir les forces de l’ordre qui demanderont des détails pour intervenir. Il s'agit donc pour les enseignants d'intégrer ces nouveaux réflexes.

Après cette formation, chaque direction d’établissement va devoir établir un protocole spécifique à son site et former l'ensemble de son corps enseignant. "Il y a énormément de responsabilité", reconnaît Yann Fischer, directeur du Gymnase de Bussigny. "Nous devrons réfléchir à certaines procédures dans les mois à venir, prioriser les étapes et cartographier le bâtiment cet été". Il s’agit d’étudier par exemple le verrouillage des portes des classes.

Les élèves ne seront pas formés

Les élèves doivent-il aussi être formés? La question fait débat, mais, du côté de la Police cantonale vaudoise, la réponse est claire. "Le niveau de risque actuel ne justifie pas que nous donnions une formation ou fassions une sensibilisation aux élèves, contrairement à ce qui se fait en Valais par rapport au risque sismique où le risque est plus élevé et où nous savons que nous devons sensibiliser les élèves et leur apprendre les bons comportements", estime Jean-Christophe Sauterel, responsable de la communication et de la prévention à la police vaudoise.

Et de poursuivre: "Nous ne craignons pas que cela donne des idées, mais nous devons être raisonnables et proportionnés par rapport au risque."

Selon les autorités, la Suisse n'est pas à l'abri d'un acte isolé, mais n'est pas à un niveau de risque de menace terroriste élevé. Dans le canton de Vaud, l'alarme 'Amok' n'a jamais été déclenchée, sauf pour une fausse alerte. A noter que la réflexion est en cours pour savoir s'il faut dispenser désormais cette formation 'Amok' également dans les universités, hautes écoles et écoles privées.

Céline Tzaud/vajo

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Quid de Genève?

À Genève, en revanche, les écoles primaires n’ont pas de plan de sécurité pour mettre les élèves hors de danger face à un intrus dans une école, comme le révèle ce jeudi La Tribune de Genève.

Concrètement, le plan "Amok" existe bien pour le secondaire et le tertiaire à Genève, mais pas pour les écoles primaires. Cette situation inquiète l'association des parents d'élève de Veyrier, après un incident survenu dans une école.

En décembre, elle a demandé aux autorités de mettre en place rapidement ce plan dans les 168 écoles primaires du canton. Cinq mois plus tard toutefois, rien n’a bougé, rapporte la Tribune de Genève. Raison invoquée: le Département de l’instruction publique (DDIP) ne voudrait pas créer d’environnement anxiogène pour les enfants.

Le DIP, que la RTS a pu contacter, assure que des réflexions sont en cours. À noter qu’une question urgente a été déposée le mois passé auprès du Grand Conseil par une députée MCG demandant la mise en place urgente du plan "Amok" dans les écoles primaires avec une formation ad hoc du corps enseignant.

>> Ecouter le sujet du 12h30 :

Des élèves d'une classe dans une école primaire à Genève. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]Keystone - Salvatore Di Nolfi
Genève ne dispose pas de procédure anti-attaque dans les écoles primaires / Le 12h30 / 1 min. / le 30 mai 2024

"Amok", un mot tiré du malais

"Amok" est un mot d'origine malaise, "amuk", qu'on retrouve déjà dans les récits coloniaux de l'écrivain Rudyard Kipling à la fin du XIXe siècle. Il peut se traduire par "rage incontrôlable" ou "folie meurtrière".

Introduit dans le monde francophone au début du XXe siècle, l'amok est propulsé par l'écrivain autrichien Stefan Zweig et son ouvrage "Amok ou le fou de Malaisie" en 1922.

Le terme désigne aujourd'hui un comportement meurtrier et individuel. L'accès de violence est soudain, "l'amok" faisant un nombre plus ou moins important de victimes. Et il ne se termine qu'avec la mort (volontaire ou non) du meurtrier.