"Nous pensions que nous allions tous nous faire ligoter", témoigne un des passagers pris en otage à Yverdon
Jeudi, vers 18h30, un train s’immobilise en gare d’Esserts-sous-Champvent, dans le Nord vaudois. C’est le début du cauchemar pour les treize personnes à bord, prises en otage par un requérant d'asile iranien. Dimanche dans le 19h30, l'un d'eux a accepté de témoigner par écrit et de manière anonyme.
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"J'ai réalisé qu'il y avait un problème. J'ai vu une personne derrière moi avec une hache. Il m'a regardé droit dans les yeux. Il nous a menacés une première fois et nous a tous rassemblés au fond du wagon", explique David (prénom d'emprunt).
Il y avait une forte tension dans le train, (...) la situation s'éternisait et s'envenimait
Une forte tension dans le train
Malgré la menace, les voyageurs ont réussi à donner l’alarme. Une soixantaine de policiers et des secours ont été dépêchés sur place. "Il y avait une forte tension dans le train. Certains ont réussi à détendre l'atmosphère par moments, mais je ressentais surtout de l'impatience face à cette situation qui s'éternisait et s'envenimait", poursuit David.
Soudain, les otages pensent entendre l’agresseur aiguiser sa hache. La frayeur s'empare alors de David: "Il a ligoté une dame. Nous pensions que nous allions tous nous faire ligoter."
Il est un peu plus de 22h lorsque le preneur d’otages se déplace dans un autre wagon. Les passagers saisissent alors cette occasion pour prévenir immédiatement les policiers. "On a entendu: 'Go go go!' Les policiers sont entrés, ils nous ont dit de lever les mains sur la tête. On a entendu un coup de feu et ensuite on a pu sortir", déclare David.
Je n'ai pas encore osé reprendre le train, mais je le ferai durant les heures de pointe, quand il y aura beaucoup de monde
L’assaillant est tué lors de l’assaut. Quelques instants plus tard, les otages sont libérés. Depuis ce jour, David n'a pas encore eu le courage de reprendre le train. "Aujourd'hui, je ressens un sentiment de vide, je me sens bizarre. Mais ça va passer avec le temps", confie-t-il.
Un soutien psychologique
Lors de ces événements, la police et les services d’urgence ont fait appel à la cellule de soutien d’urgence du canton de Vaud. C'est elle qui a pris en charge psychologiquement les victimes. Fondé il y a une vingtaine d’années, le service n’a heureusement pas souvent à faire face à des prises d’otages.
"Personnellement, j’ai été confronté à cette situation deux fois", explique dans l'émission Mise au point Pierre Bader, coordinateur de l’équipe du soutien d’urgence pour le canton de Vaud.
Nous avons dû gérer les familles sans savoir quand ni comment la prise d’otages allait se terminer
Leur action a été légèrement retardée pour permettre à l’équipe d’intervention de la police de se préparer. À leur arrivée, ils ont donc trouvé des familles inquiètes pour leurs proches, dispersées autour du périmètre de l’intervention. "Nous avons dû gérer les familles sans savoir quand ni comment la prise d’otages allait se terminer", explique-t-il.
Quant à l’état des otages et de leurs familles, il est difficile de répondre pour plusieurs raisons, car "cela évolue assez rapidement, la façon dont on réagit pendant le drame, les minutes, les heures et les jours qui suivent. Ce sont des histoires qui évoluent assez rapidement", relève Pierre Bader.
Face à une prise d’otages où l’agresseur armé menace les passagers, la gestion de l’incertitude est complexe. "Il y a un moment très pénible, c’est celui de l’attente", explique l'expert. Les intervenants se tiennent aux côtés des personnes concernées, s’efforçant de leur fournir des informations, tout en évitant de partager des détails inconnus.
Quand on doit être confronté au danger de sa propre mort, en plus pendant plusieurs heures, (...) pour les victimes, c’est une expérience particulière
"Quand on doit être confronté au danger de sa propre mort, en plus pendant plusieurs heures, c’est une expérience particulière pour les victimes", témoigne-t-il.
La prise d’otages s’est résolue favorablement pour les otages, mais elle a entraîné la mort du preneur d’otages. Cela a confronté les personnes sur place à la mort. "Je ne peux pas dire à leur place comment ils étaient. (...) Ce que je peux vous confier, c’est que je les ai retrouvés fatigués, cela a duré quatre heures. Ils étaient évidemment soulagés, mais aussi fatigués", explique le pasteur de formation.
Sujet et interview TV: Yoan Rithner/Cathy Sommer
Adaptation web: Miroslav Mares