Scandale Henniez: Nestlé Waters avait initialement demandé une "dérogation" à la Confédération
L'histoire du scandale démarre en 2020. Le chimiste cantonal vaudois fait une comparaison de routine sur les eaux d'Henniez. D'un côté, les mesures prises à la source, lorsque l'eau sort de terre. De l'autre, le produit final en bouteille. Résultat: chimiquement, ce n'est pas la même eau.
Confronté, Nestlé avoue avoir effectué un traitement aux charbons actifs, une pratique contraire à l'Ordonnance sur les boissons. "La législation permet certains traitements simples permettant d'éliminer les substances uniquement naturelles et indésirables, qu'on appelle néogènes. Mais il n'est pas autorisé de retirer des substances qui ne sont pas dues à l'activité de l'homme comme les micropolluants organiques", précise Patrick Edder, vice-président de l'Association des chimistes cantonaux de Suisse, durant l'émission On en parle.
L'Office du chimiste cantonal refile donc la patate chaude à Berne, comme le précise l'OSAV: "Sur conseil du chimiste cantonal du canton de Vaud, Nestlé Waters a contacté l'OSAV pour lui soumettre une demande officielle de dérogation." Une demande refusée: Henniez doit démonter son système en 2022. Ce qui veut dire que, durant deux ans au minimum, Henniez a continué de vendre de l'eau traitée aux charbons actifs. Le public apprenait la nouvelle la semaine dernière.
Les indices mènent vers des résidus de produits phytosanitaires
Quelle substance Nestlé Waters voulait-elle éliminer exactement en utilisant ce procédé? Contactée par On en parle par écrit et par oral, l'entreprise n'a pas donné de réponse précise. Des "résidus indésirables liés au stress environnemental", selon une porte-parole de l'entreprise.
Henniez est situé dans la région de la Broye, une région très agricole où les traces de produits phytosanitaires sont nombreuses. De plus, la méthode utilisée par Henniez pour nettoyer l'eau, les charbons actifs, est très efficace pour éliminer les métabolites de produits phytosanitaires.
Enfin, les mots "micropolluants de type organique", utilisés par le chimiste cantonal vaudois Christian Richard dans son mail à la RTS, sont une appellation comprenant les résidus de pesticide. Pour toutes ces raisons, les indices semblent concorder vers la piste des produits phytosanitaires. Le plus connu d’entre eux est le chlorothalonil, aujourd'hui interdit car soupçonné d'être cancérigène. Cependant, l'entreprise ne l'a pas confirmé.
Impossible de savoir depuis quand Nestlé enfreignait la loi
De plus, si Nestlé Waters s'est fait attraper en 2020, impossible de savoir quand le filtrage au charbon actif a commencé. Là non plus, On en parle n'a pas reçu de réponse. Aujourd'hui, l'eau Henniez est sans doute moins pure que celle de 2021. Dans son mail à la RTS, le chimiste cantonal vaudois Christian Richard confirme cependant que les traces de micropolluants trouvées sont très faibles et "dans les valeurs légales acceptables".
Sujet radio: Mathieu Truffer et Bastien von Wyss
Adaptation web: Myriam Semaani
Et les autres producteurs d'eau minérale suisse?
On en parle a contacté les membres de l'Association suisse des sources d’eaux minérales ainsi que Migros et Coop. Parmi la dizaine de producteurs, tous assurent respecter les normes légales. Tous les traitements mentionnés ont été confirmés comme légaux par Patrick Edder, vice-président de l’Association des chimistes cantonaux de Suisse.
Mineralquellen Mels AG (Piz Sardona) et Allegra/Passuger affirment qu’absolument aucun traitement n’est effectué. La Migros, quant à elle, explique filtrer l'eau minérale pour éviter les corps étrangers comme du sable. Coop filtre aussi son eau pour retirer du fer.
Elmer mentionne le dioxyde de carbone (le gaz carbonique de l'eau gazeuse) et Eptinger défluore en partie son eau. Quant à Feldschlösschen, producteur des eaux Rhäzünser et Arkina, la marque explique éliminer le manganèse pour éviter les dépôts noirs et rouges dans l'eau. Il est aussi question d’un traitement à l'ozone pour stabiliser le goût.