Sylvie Bula: "Le mimétisme explique peut-être en partie l'augmentation des délits des jeunes"
Vols, brigandages, incendies criminels ou encore lésions corporelles. Les délits commis par des mineurs dans le canton de Vaud sont multiples. "On parle malheureusement d'à peu près tout ce qui existe dans le Code pénal", reconnaît Sylvie Bula.
Comme dans le reste de la Suisse, la situation s'est péjorée l'année dernière, avec une hausse du nombre de cas. Invitée de La Matinale de la RTS vendredi, la commandante de la police cantonale vaudoise l'explique par plusieurs raisons, même s'il reste difficile d'avoir toutes les clefs de compréhension.
"Je ne suis pas sociologue et je ne me risquerais pas à trop d'analyses. Néanmoins, on a vu un net infléchissement depuis le Covid. Certains diront qu'il y a un lien de causalité. On imagine aussi que dans un contexte où la situation économique se tend, l'appât du gain facile peut être un critère", analyse-t-elle.
Et d'ajouter: "On voit qu'il y a peut-être aussi un mimétisme. Les jeunes regardent ce qui se passe dans les pays voisins et ont envie de faire la même chose en Suisse. On imagine que c'est potentiellement une piste".
Miser également sur la prévention
Préoccupée par ces chiffres en hausse, celle qui était auparavant à la tête du Service pénitentiaire vaudois relativise toutefois leur portée. "Traditionnellement, les données sur la criminalité des mineurs sont beaucoup plus volatiles que celles qu'on observe chez les adultes. Les chiffres peuvent bouger à la hausse ou à la baisse de manière beaucoup plus rapide", analyse-t-elle.
Pas question néanmoins de rester les bras croisés face à cette tendance perceptible dans les statistiques de la criminalité vaudoise. "On travaille avec tous les acteurs institutionnels, que ce soit la protection de la jeunesse, le tribunal des mineurs ou encore les milieux scolaires et parascolaires", détaille-t-elle.
Intégrer des travailleurs sociaux est intéressant pour aller au contact des populations précarisées où parfois l'uniforme n'est peut-être pas la meilleure approche
Pour Sylvie Bula, la réponse à cette augmentation ne doit pas seulement être répressive. Il s'agit également de faire de la prévention. Elle évoque notamment l'intégration de travailleurs sociaux dans les patrouilles, une initiative déjà en cours dans le Nord vaudois, comme une possibilité pour améliorer la situation.
"Le fait d'intégrer des travailleurs sociaux dans le travail de police commence à se développer et est intéressant pour différentes raisons, y compris pour aller au contact des populations précarisées où parfois l'uniforme n'est pas la meilleure approche", précise-t-elle.
L'enjeu de la cybercriminalité
Autre défi très actuel pour la police cantonale vaudoise: la criminalité en ligne. Là aussi, comme un peu partout dans le pays, les cas sont en hausse et les jeunes sont souvent impliqués.
Dans la cybercriminalité, on ne s'expose pas directement à se faire attraper (...) cela attire les convoitises de délinquants
Pour la commandante de la police vaudoise, le sujet est vaste et surtout complexe, car bien souvent, les auteurs ne se trouvent pas en Suisse. "Dans la cybercriminalité, on ne s'expose pas directement à se faire attraper par une patrouille ou à se faire poursuivre. Cela attire donc les convoitises de délinquants qui se retrouvent bien au-delà des frontières suisses", constate-t-elle.
Dans cette cybercriminalité, qui la plupart du temps consiste en des délits d'escroquerie en ligne, les jeunes sont aussi très présents. "Ils font partie du groupe d'âge prépondérant. Il y a probablement une affinité avec la technologie qu'on retrouve moins dans des populations plus âgées. Je pense que c'est une question générationnelle", analyse-t-elle.
Pour parer à ces délits, qui connaissent un taux d'élucidation encore relativement bas, la commandante de la police vaudoise plaide pour la mise en commun continue des informations, notamment entre les différentes polices cantonales. "On met en commun les informations, mais on doit probablement faire un pas de plus dans la judiciarisation. (...) Il s'agit notamment de la décision de savoir qui va prendre le cas, le porter pour le compte de différents cantons, puis tenter d'aller en justice." Une discussion déjà en cours, affirme-t-elle.
Augmentation de l'activité policière
Interrogée sur la question des ressources, Sylvie Bula estime qu'à l'heure actuelle, la police vaudoise est toujours capable de faire son travail, en dépit de la hausse des tâches. "On doit fixer des priorités comme n'importe quelle organisation (...) mais les enquêtes sont menées et toutes les équipes font leur travail", juge-t-elle.
"Par contre, la réalité, c'est que l'activité policière augmente, avec des chiffres de 15 à 20% entre 2023 et 2022. Cela impose évidemment des réflexions institutionnelles qui sont d'ailleurs déjà menées", conclut-elle.
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Adaptation web: Tristan Hertig