"Tout est déréglé, la faim, le sommeil, l'existence", explique un des otages du train à Yverdon
"J’aimerais vous dire que je vais bien, mais malheureusement ce n’est pas le cas. (...) Tout est déréglé, la faim, le sommeil, l’existence, globalement le quotidien est déréglé", témoigne Brad Smith, otage lors de l'incident de jeudi.
Depuis cette nuit-là, Brad Smith a tenté de reprendre une fois le train, en se disant que "c’était comme lorsqu’on tombe d’un cheval, il faut essayer de remonter en selle rapidement". Mais en réalité, cela s'est très mal passé: arrivé à Essert-sous-Champvent, le lieu où a eu lieu la prise d’otages, la panique s’est emparée de lui. "J’ai hyperventilé, tapé contre les portes pour sortir et j’ai même forcé le train à s’arrêter, car il fallait que je sorte", explique-t-il.
J'ai essayé de reprendre le train. (...) Arrivé à Essert-sous-Champvent, j’ai hyperventilé, tapé contre les portes, j’ai même forcé le train à s’arrêter
Brad Smith n'a pas de permis de conduire pour se déplacer et se rendre au travail, ses proches sont donc obligés de le véhiculer. Pour aller mieux, pour ancrer cet épisode dans la réalité, il n'hésite pas à en parler, notamment aux journalistes qui le sollicitent. Mais apparemment, une dissociation s’est créée. "Etrangement, plus j’en parle, moins ça va", confie-t-il.
Retour sur les minutes d'angoisse
Lors de la prise d’otages, Brad Smith n'a ressenti le danger que progressivement: "Il m'a fallu attendre une petite demi-heure". C'est au moment où le preneur d'otages expose ses motivations en menaçant tout le monde qu'il comprend qu'il n'est "pas dans un film, mais bien dans une prise d’otages" et qu'ils sont tous "en danger".
En réalité, l’assaillant tentait de dialoguer avec les autres passagers, mais son anglais était "extrêmement médiocre", au point qu’il ne formulait pas de phrases cohérentes, explique Brad Smith. Fort de son expérience en pédagogie, il rassemble son courage pour établir un dialogue. Il se lève, s'approche de lui les mains en l'air. "J'étais encore plus terrifié, je me demandais si cela lui plairait. Il était armé, dangereux et je n’avais aucune idée de sa réaction", se souvient-il. A partir de ce moment-là, ils ont pu communiquer.
Il nous a dit en face: 'Je vais devoir vous tuer'
La panique s'installe
L'assaillant pointait souvent sa hache en direction de leurs visages. Il leur a confié qu’il était désolé, mais que pour lui, c’était une solution comme une autre. Malheureusement, si la police n’effectue pas ce que je demande, "je vais devoir vous tuer", leur a-t-il même dit en face.
La panique s’installe et il prend à coeur de rassurer les autres otages. Mais la tension monte d'un cran lorsque l’assaillant annonce à la police qu’il fixe un ultimatum: "S'il n’obtient pas ce qu’il veut, il commencera à tous nous tuer, l'un après l'autre."
Pour Brad Smith, l'intervention de la police, marquée par des explosions, est un véritable soulagement. Alors que d'autres passagers se mettent à paniquer: "Il y a eu des cris, des crises de nerfs."
"Bizarrement, dès que je suis sorti du train, tout est devenu irréel pour moi. J’avais tellement ancré ma peur et mes émotions dans ce train que dehors je ne réalisais plus rien. Je ne savais même plus avec qui j’étais. Je continuais à veiller sur mes compagnons pris en otage, je me sentais investi d’une mission de protection envers eux. Mon esprit était resté dans le train", conclut Brad Smith, avouant avoir gardé un lien avec les autres otages même s'ils ne se sont pas vraiment revus.
Propos recueillis: Thibaut Schaller
Adaptation web: Miroslav Mares