Dans un rapport d'audit sur la gestion des crédits cadres pour les améliorations foncières (AF) en zone agricole, la Cour des comptes estime que l'Etat de Vaud, s'il instruit bien les demandes de subvention, ne surveille pas correctement ce qu'il advient de cet argent.
Or, le Canton alloue plus de 10 millions de francs chaque année à ces améliorations foncières, qui concernent d'une part les collectivités publiques - la réfection d'un chemin communal par exemple - et de l'autre les exploitations privées.
Contrôles stoppés sans prévenir le Canton
L'Etat verse des aides sous forme de crédits cadres, dont six ont déjà été mis en œuvre depuis 2010 pour un montant de 193 millions de francs. Et il prévoit d'engager 30 millions supplémentaires d'ici 2029. La Cour a examiné deux de ces crédits alloués entre 2019 et 2023. Et sur cette base, elle pointe du doigt des manquements à plusieurs niveaux.
Sont mis en cause: la direction générale de l'agriculture (DGAV), chargée de l'octroi, la gestion et la surveillance des subventions; l'Office du crédit agricole (OCA), filiale de l'Association vaudoise de promotion des métiers de la terre (Prometerre) à qui l'Etat délègue depuis 2016 les contrôles dans les exploitations agricoles; et la Direction générale de l'environnement (DGE) pour n'avoir pas surveillé la mise en œuvre des critères de durabilité.
Les mots des magistrats sont sévères: la DGAV n'exerce pas sa mission de haute surveillance sur la gestion des subventions, la conformité et le contrôle d'entretien des travaux subventionnés. Elle ne vérifie pas toujours, par exemple, si une construction finale coïncide avec la demande déposée et si les subventions versées étaient justifiées.
Par ailleurs, elle ne contrôle pas le travail de l'OCA. Or, celui-ci a cessé ses contrôles sur le terrain depuis 2021, sans en informer l'Etat, qui ne l'a appris qu'en cours d'audit. Enfin, les magistrats estiment que le principe du "premier arrivé, premier servi" perdure dans le canton de Vaud, ce qui est problématique.
Ce n'est pas le moment d'augmenter la paperasse pour les agriculteurs
Dans un communiqué publié mercredi, la Cour des comptes souligne que la DGAV, l'OCA et la DGE ont déjà pris certaines mesures en cours d'audit pour améliorer la situation. Elle émet toutefois huit recommandations, dont six à la DGAV. Les organismes concernés les ont acceptées et promettent de les mettre en œuvre d'ici fin 2025.
Améliorer la coordination interne
Invitée mercredi soir dans Forum, la conseillère d'Etat en charge de l'agriculture Valérie Dittli salue ce rapport et ses recommandations, et reconnaît qu'il faut une meilleure stratégie globale autour du système des améliorations foncières. "C'est toujours une chance d'avoir un retour sur le travail qu'on fait. Et je suis persuadée qu'il faut avoir un certain contrôle sur l'argent public", commente-t-elle.
"Par contre, aujourd'hui, ce n'est pas le moment d'augmenter la paperasse pour les agriculteurs, de leur faire remplir encore plus de formulaires ou d'augmenter les contrôles sur des fermes", estime-t-elle, saluant certaines recommandations qui permettraient, selon elle, de réduire les contrôles sur le terrain en améliorant la coordination interne des organismes de contrôle.
L'élue du Centre souligne la mise en place, en début d'année, de nouvelles mesures de durabilité. "C'est la première fois en Suisse qu'on a un système de subventions qui permet une sortie des énergies fossiles avec de l'argent public", affirme-t-elle.
Céline Tzaud/jop
"L'argent public a été bien dépensé", affirme le directeur de Prometerre
Également invité dans Forum mercredi soir, le directeur de Prometerre Martin Pidoux souligne que l'Office du crédit agricole (OCA) n'a stoppé qu'un seul type de contrôle, à savoir les visites sur les exploitations. "Tout le travail en amont, pour l'évaluation des risques dans l'octroi des subventions, est réalisé de manière tout à fait précise et pointue", plaide-t-il.
Au contact du terrain, il affirme que l'argent public a été utilisé à bon escient. "Bien sûr qu'on peut le garantir!", lance-t-il. "Trois cas ont été soulevés avec des exploitations qui sont potentiellement légèrement surdimensionnées par rapport au cheptel bovin. Mais c'est un domaine où on travaille avec le vivant, la nature. C'est quelque chose qui évolue, donc c'est une critique qui est difficile à prendre en compte."
"Sur le terrain, on s'aperçoit que les agriculteurs veulent moins de paperasse, moins de contrôles et qu'ils ont envie de pouvoir avancer rapidement dans leurs projets", poursuit-il.
De son côté, Valérie Dittli défend le système de sous-traitance à Prometerre. "Oui, je pense que c'est le fonctionnement idéal, parce qu'il a été repris par d'autres cantons suisses", relève-t-elle. "On a une délégation de compétences à des gens du terrain qui permet de mettre l'argent aux bons endroits, parce que c'est un domaine qui est très compliqué. C'est quelque chose qui est assez normal et qui se fait dans beaucoup d'autres cas."