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Une année pour réduire son bilan carbone? Le pari pas si simple d'un collège vaudois

Une année pour réduire son bilan carbone, le pari pas si simple du collège de Champittet, à Pully (VD)
Une année pour réduire son bilan carbone, le pari pas si simple du collège de Champittet, à Pully (VD) / 19h30 / 5 min. / le 19 mai 2024
La RTS a suivi pendant une année les efforts du collège de Champittet à Pully, une école privée vaudoise, pour réduire son empreinte carbone. Panneaux solaires, mobilité douce ou réduction de la consommation de viande, le directeur a tout envisagé. Mais le chemin a été semé d'embûches.

L'histoire a commencé il y a tout juste un an, au printemps 2023. Philippe de Korodi, directeur général du Collège Champittet à Pully (VD), a pris une résolution importante: réduire le bilan carbone de son établissement.

Interrogé dans le 19h30, il énumère les raisons qui l’ont poussé à se lancer un tel défi: "La première, c’est évidemment de lutter contre le réchauffement climatique. Ensuite, il y a un intérêt économique, lié à la sobriété. Baisser nos consommations, donc baisser nos factures d'énergie. Finalement, il y a l'aspect éducatif induit par ce raisonnement. Nous avons pour mission de former les jeunes dans cet objectif de réduction des émissions".

Pour ce faire, il a fait appel à un expert de ZenCO2 – un partenariat entre Romande Energie et la société de conseil en décarbonation DSS+. Première étape, le diagnostic. Un audit devisé à 37'000 francs a permis de connaître l'empreinte carbone de l'école: 1671 tonnes d'équivalent CO2.

Ensemble, ils se sont fixé l'objectif de réduire les émissions de CO2 de 5% en un an.

Les recommandations

Chaque jour, plus de 800 personnes fréquentent les sept bâtiments de l'école. Cela se traduit par des émissions de CO2 significatives avec, en premier lieu, les déplacements pendulaires (24,6%). Soit les collaborateurs et parents d'élèves qui viennent en voiture, ainsi que les bus scolaires. Si on y ajoutait l'ensemble des déplacements professionnels et scolaires, la mobilité représenterait même 40% du total des émissions.

L'expert recommande de supprimer le parking et de promouvoir la mobilité douce. Mais la mesure semble trop radicale pour le développement économique de l'école. Le directeur suggère en contrepartie le développement d'une application de covoiturage.

Un autre aspect à améliorer concerne les voyages scolaires et les déplacements en avion. Il faudrait privilégier le train.

Deuxième poste d'émission: les achats de biens et services (24,1%), avec en tête l'alimentation. L'expert suggère de réduire la consommation de viande, en particulier de viande rouge.

En cuisine, il y a eu du changement à savoir deux repas végétariens par semaine et moins de viande rouge. [RTS]
L'objectif en cuisine: réduire les protéines animales, surtout la viande rouge. [RTS]

En troisième position, le gaz naturel (22,6%). Mais la chaudière n'a que 8 ans et l'expert recommande de la garder encore. Pour réduire son utilisation, il est prévu d'installer des panneaux solaires en complément, de poser des fenêtres isolantes et de diminuer le chauffage dans les classes.

Un an après: les échecs

Une année s'est écoulée et il est temps de dresser le bilan. Commençons par les échecs. Les panneaux solaires, en premier lieu, se font attendre. Un retard de livraison a repoussé l'installation à l'an prochain.

En matière de trafic, aucun changement n'a été observé. Le parking est toujours surchargé aux heures de pointe et l'application de covoiturage est encore en cours d'élaboration.

Je ne peux pas déterminer quelle part de cette réduction est due à un hiver plus chaud ou plus froid que le précédent, mais je constate que nous sommes sur la bonne voie

 Philippe de Korodi, directeur du collège Champittet

Pour ce qui est de la cantine, deux repas végétariens par semaine ont ainsi été introduits fin 2023 et la consommation de viande rouge s'est faite plus rare. Mais des plaintes de parents ont contraint l’établissement à revenir sur cette décision. "Nous avons peut-être loupé une étape de préparation et de communication. Cela ne veut pas dire qu'on abandonne l'idée, mais on doit mieux la préparer en communiquant", reconnait Philippe de Korodi.

Et les réussites

Heureusement, le directeur d'école avait d'autres leviers pour agir. Le plan concernant les voyages scolaires s'est déroulé sans encombre: les déplacements en avion ont été remplacés par le train.

Les enfants plantent des arbres, 120 exactement pour symboliser le 120ème anniversaire du collège. [RTS]
Les enfants plantent des arbres, 120 exactement pour symboliser le 120e anniversaire du collège. [RTS]

Les enfants ont planté 120 arbres, pour symboliser le 120e anniversaire de l’école. Mais cette réussite n'en est qu'une demie, puisque les arbustes sont trop jeunes pour capturer du CO2 de manière significative. Ils n'aideront pas à atteindre l'objectif de réduction de 5% des émissions.

L'école a surtout pu agir sur l'énergie. Des nouvelles fenêtres ont été installées et la température abaissée à 20 degrés dans les classes, les bureaux et les dortoirs.

Au total, l'école a dépensé 100'000 francs et a même dépassé son objectif.

Consentir à certains sacrifices?

Le résultat après un an montre une réduction de 7% des émissions de CO2. "Pour être tout à fait honnête, je ne peux pas déterminer quelle part de cette réduction est due à un hiver plus chaud ou plus froid que le précédent, mais je constate que nous sommes sur la bonne voie", se félicite le directeur du collège Champittet dimanche dans le 19h30.

Un an après, Philippe de Korodi, directeur général du Collège Champittet, tire le bilan de son initiative.
Un an après, Philippe de Korodi, directeur général du Collège Champittet, tire le bilan de son initiative.

Beaucoup d'efforts pour essuyer des échecs, avec une réduction des émissions toute relative. Mais il n'y a pas de quoi se décourager, rassure Pierre Basque, manager chez DSS+ Consulting. "La première année, on met en place la stratégie et les premières actions concrètes. Il est donc normal d'avoir une réduction d'impact relativement faible par rapport à l'objectif final. Il sera crucial de maintenir cet effort sur plusieurs années pour viser une neutralité carbone en 2050."

Pour y arriver, il faudra consentir à certains sacrifices, comme la fermeture de la bulle de tennis, chauffée en hiver. Le budget devra aussi s'allonger. Pour isoler les bâtiments et remplacer les chauffages, il faut compter 2 à 3 millions de francs. Et pour le changement des habitudes, on compte sur la nouvelle génération. L'établissement a déjà mis un point d'honneur à inculquer le développement durable dans le curriculum des élèves.

Feriel Mestiri/hkr

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