L'analyse des données de cette enquête d'imprégnation aux dioxines "n'a pas mis en évidence de différences significatives" entre un groupe dit "de contrôle" (non exposé dans la région lausannoise ou dans le canton) et un autre "exposé" (dans le périmètre de pollution à Lausanne), a affirmé mercredi devant les médias David Vernez, chef de département du Centre universitaire de médecine générale et santé publique (Unisanté). L'étude avait débuté en mars 2023.
Sur mandat de l'Office du médecin cantonal, il s'agissait de mesurer la concentration de dioxines dans le sang et à la comparer entre les deux groupes de 50 participants. Objectif: évaluer l'impact de la consommation d'oeufs, de viande ou de cucurbitacées issus des zones contaminées sur les concentrations sanguines en dioxines des habitants, a expliqué le professeur d'Unisanté.
"Le message positif pour les gens est que le risque de cancer ou d'infertilité masculine peut être considéré comme minime", a dit pour sa part le médecin cantonal Karim Boubaker. "L'analyse des données suggère que l'alimentation du quotidien reste la principale source d'exposition aux dioxines pour l'ensemble des participants, quel que soit leur lieu d'habitation", a-t-il souligné.
Si certains habitant de la capitale vaudoise se montrent un peu sceptiques face à cette étude, Natacha Litzistorf, la conseillère municipale lausannoise en charge de ce dossier, tient à les rassurer. "Nous avons quand même des équipes solides et reconnues au-delà de nos frontières", dit-elle dans le 19h30 de la RTS.
Grande variabilité
Le groupe "exposé" était exclusivement composé de consommateurs réguliers d'oeufs, de viande ou de cucurbitacées provenant du périmètre contaminé, autour de l'ancienne usine d'incinération du Vallon. Le groupe "contrôle", lui, n'avait pas cette exposition à risque.
La campagne de recrutement réalisée dans la région de Lausanne a inclus 102 participants hommes et femmes adultes répartis donc en deux groupes (52 pour le premier et 50 pour le second), aux profils d'âge et de sexe similaires. La collecte de données comprenait un échantillon de sang, des mesures de bioimpédance (afin de déterminer la quantité de graisse dans le corps - les dioxines se fixant dans la matière grasse) ainsi que différents questionnaires portant notamment sur les habitudes alimentaires et l'état de santé général.
Les résultats obtenus montrent une distribution similaire des concentrations en dioxines dans le sang pour les deux groupes, avec une médiane de 5,7 pg TEQ par gramme de graisse pour le groupe "contrôle" et de 6,8 pg pour le groupe "exposé". "Le décalage de 21% de la médiane observée entre les deux groupes n'est statistiquement pas significatif", a clairement répété David Vernez. "Une différence au-delà de 50% aurait eu une signification", a-t-il précisé.
"Comme attendu, une grande variabilité des concentrations est observée pour chaque groupe. Elle est notamment liée aux différences d'âge, de sexe, de pourcentage de graisse corporelle et d'habitudes alimentaires des personnes participantes", a encore expliqué David Vernez.
Résultats similaires à d'autres pays
Autre observation: les concentrations de dioxines dans le sang mesurées dans la région lausannoise - en moyenne pour les deux groupes de 7,5 pg TEQ - sont similaires à celles observées dans les études faites dans d'autres pays d'Europe, montrent les résultats de l'étude. En Suisse, il n'existe pas de valeur de référence.
Les résultats lausannois serviront de premiers indicateurs et sans doute de base de réflexion sur les normes fédérales, ont dit en substance David Vernez et Karim Boubaker.
La contamination des sols lausannois avait été découverte en 2021. Les mesures sanitaires prises jusqu'ici sont jugées "suffisantes" par le médecin cantonal et les recommandations sanitaires, "plutôt protectrices, n'ont pas besoin d'être renforcées". "Elles seront même plutôt simplifiées", a indiqué Karim Boubaker, sans donner plus de précisions. Son Office va se concerter avec la Ville de Lausanne.
"Pour l’instant, nous laissons les recommandations telles que nous les avons dites et rappelées à plusieurs reprises", indique Natacha Litzistorf. "Pour la suite, des discussions vont avoir lieu entre le canton, la ville et peut-être même la Confédération", affirme-t-elle encore.
Quant à la question de l'assainissement des sols, qui dépend de normes légales fédérales, elle n'est pas remise en question par l'étude d'Unisanté.
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ats/jfe