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Une nouvelle loi en Suisse pour mieux protéger les femmes migrantes des violences conjugales

Le Parlement fédéral renforce la protection des femmes migrantes victimes de violences conjugales (image d'illustration). [DPA/KEYSTONE - Jan-Philipp Strobel]
Le Parlement fédéral renforce la protection des femmes migrantes victimes de violences conjugales / La Matinale / 4 min. / le 13 août 2024
En Suisse, une femme sur cinq est concernée par les violences domestiques, selon les estimations des services spécialisés. La situation est particulièrement précaire pour les femmes sans passeport suisse qui renoncent trop souvent à se défendre par peur de perdre leur titre de séjour.

"Avec ou sans permis, vous avez des droits!": ce sont les mots du Bureau vaudois de l’égalité entre les femmes et les hommes pour rappeler aux migrantes victimes de violence conjugales qu'elles peuvent, elles aussi, demander de l’aide. Pour protéger ces femmes, le Parlement a décidé de modifier la loi pour qu'elles ne soient plus pénalisées en cas de séparation.

C'est notamment le cas de Sofia* (prénom d'emprunt), jeune Algérienne de 35 ans qui s'est installée en Suisse en 2016 aux côtés de son mari de nationalité algérienne et française. Médecin, il bénéficie d'une bonne situation professionnelle mais se montre rapidement violent.

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Isolement social

La jeune femme a accepté de raconter à la RTS son douloureux parcours afin d'inciter d’autres femmes à sortir du silence. "À l'époque, je parlais mal le français et peinais à comprendre. La barrière de la langue, l'isolement social de mon ex-époux, et son refus de me laisser suivre des formations m'ont empêchée de nouer des relations ou de créer des amitiés."

La barrière de la langue, l'isolement social de mon ex-époux, et son refus de me laisser suivre des formations m'ont empêchée de nouer des relations ou de créer des amitiés

Sofia*, victime de violences conjugales

Isolée, Sofia vit alors sous emprise. Son mari l’enferme, lui crache dessus, lui tire les cheveux, la rabaisse au quotidien. Lors des disputes, il lui confisque son téléphone, l’enferme à clé dans le logement. Elle subit en silence cette violence physique et psychologique. Jusqu’à ce jour de 2018, où elle dépose plainte, auprès de policiers croisés dans la rue, avant de la retirer, convaincue par les menaces et fausses promesses de son mari.

Il lui faudra attendre le soutien de professionnels pour finalement oser franchir le pas et réussir à se séparer. À ce moment-là, Sofia vit dans le canton de Vaud, où plusieurs organismes viennent en aide aux femmes victimes de violence.

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De l'importance de créer un réseau autour des victimes

Comme l'explique Aline Cuche, responsable d’unité de l’équipe d’intervenante sociale au Centre Malley Prairies à Lausanne, l'auteur des violences prend beaucoup de pouvoir sur la victime ainsi que sur sa capacité de décision. "Notre mission est de leur faire prendre conscience de leurs droits et de leur faire reprendre un peu d'autonomie. L'idée est vraiment de créer un réseau autour de ces femmes", explique la responsable mardi dans La Matinale.

Notre mission est de leur faire prendre conscience aux victimes de leurs droits et de leur faire reprendre un peu d'autonomie

Aline Cuche, responsable d’unité de l’équipe d’intervenante sociale au Centre Malley Prairies à Lausanne

Un réseau qui doit rapidement se mobiliser car, une fois séparée, Sofia reçoit très vite une décision de renvoi vers l’Algérie, son permis de séjour étant lié à celui de son époux. Ce dernier quitte la Suisse dès que Sofia entame des démarches pour sortir de son emprise.

"Beaucoup de femmes migrantes arrivent en Suisse par regroupement familial. C'est-à-dire que leur permis est lié à la vie commune avec leur mari. En cas de séparation, elles doivent obtenir une exception pour pouvoir obtenir un permis de séjour qui ne dépende plus de leur relation conjugale", explique Chloé Maire, travailleuse sociale et mandataire en droit des étrangers à la Fraternité, l’un des services spécialisés du Centre social protestant vaudois.

Procédure facilitée grâce à une nouvelle loi

Sofia devra patienter jusqu’en 2020 avant de recevoir un nouveau permis pour elle et ses enfants, soit près d’un an d'attente et d'inquiétudes pour prouver les violences subies et obtenir une "exception".

Cette procédure a été récemment facilitée grâce à une modification récente de la loi par le Parlement. Désormais, en cas de séparation, il faudra moins de temps pour être reconnue comme victime de violence. Celles-ci pourront aussi obtenir le même permis que celui dont elles disposaient grâce à leurs époux, une sécurité bienvenue pour se reconstruire.

Sofia, une fois son statut clarifié, a pu reprendre ses études. Elle décrit sa nouvelle vie comme une "liberté". Une liberté de faire ce qu'elle aime, de penser librement, d'avoir des amis, de voyager, et de découvrir de nouvelles choses. "Ça change tout", se réjouit-elle.

Elle est aujourd’hui pharmacienne et travaille à 100%. Mais conserve des séquelles, comme celle d’ouvrir son courrier, trop longtemps porteur de mauvaises nouvelles.

Sujet radio: Camille Besse

Texte web: Hélène Krähenbühl

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