Les autorités vaudoises ont pour projet d'ouvrir un hôpital carcéral afin de répondre aux difficultés inhérentes à la prise en charge des détenus schizophrènes, bipolaires ou atteints des troubles psychiques les plus divers. Les départements cantonaux de la Santé et de l'Intérieur mènent une concertation et souhaitent proposer au Conseil d'Etat un crédit d'étude à l'été 2013.
Le quart des détenus du canton condamné à des mesures psychiatriques
Les contingents de ces prisonniers sont en effet en constante augmentation. Dans le milieu carcéral actuel, près de la moitié des détenus de Suisse souffrent de troubles psychiques, selon plusieurs études. Et dans le canton de Vaud, un détenu sur quatre a été condamné à une mesure d'internement pour traitement psychiatrique. Des condamnés que l'on nomme - dans le jargon - les "article 59". Leur peine - parfois minime - est suspendue, tandis que le détenu sortira une fois jugé guéri.
Cette augmentation des détenus malades et le manque d'infrastructures adaptées à ces derniers a été identifié par la cheffe du Département vaudois de l'intérieur Béatrice Métraux, qui s'exprime dimanche dans le 19:30 sur la problématique. Le canton de Vaud ne pourra par contre pas s'appuyer sur le projet similaire Curabilis (90 places) à Genève, qui ouvrira entre 2013 et 2016 à deux pas de Champ-Dollon. Ce projet - qui a par ailleurs pris du retard - ne couvrira en effet pas les besoins romands.
Hôpital pénitentiaire ou pénitencier médicalisé?
Vaud planche par conséquent sur sa propre structure, explique Béatrice Métraux. Et il n'est pas sûr qu'il suive le modèle Curabilis. Selon les informations de la RTS, il faudra trancher entre deux projets, deux philosophies: une structure médicalisée dans la plaine de l’Orbe, proche du pénitencier de Bochuz. Ou un espace carcéral dans l’enceinte de l’hôpital psychiatrique de Cery, dans l'Ouest lausannois.
Si officiellement aucun chiffre n’est formulé, il sera question, selon les sources de la RTS, d'une soixantaine de lits pour un budget qui pourrait atteindre les cinquante millions de francs. Et selon les spécialistes, la journée de détention y coûtera entre 1000 et 1500 francs. Mais pour les autorités, le projet est indispensable pour que la prison puisse remplir ses fonctions à la fois de sécurité et de réinsertion.
Ron Hochuli/jzim
L'avis du spécialiste
Interrogé par la RTS, Benjamin Brägger, chargé de cours à l'Université de Lausanne et spécialiste de l’exécution des peines, estime que la situation actuelle est grave dans les prisons suisses. "Dès lors qu'un détenu est condamné à un internement à vocation thérapeutique, il a besoin d’une prise en charge spécialisée. Et il n’y a pas d'institution spécialisée pour cela".
Il estime ainsi qu'au total, au niveau suisse, il manque à peu près 200 à 250 places sécurisées mais avec un niveau hautement médicalisé qui permette des thérapies de fond.
A propos des deux variantes possibles du projet vaudois, Benjamin Brägger penche pour un milieu hospitalier doté d'un niveau de sécurité similaire à celui d'un pénitencier. "Une fois que le détenu est identifiée comme moins dangereux et moins malade, on peut le faire progresser dans une structure carcérale thérapeutique. Mais pour une personne gravement malade, il faut un hôpital sécurisé".