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Retour sur les phrases marquantes du procès Skander Vogt

Le procès Skander Vogt a livré son verdict. [DR]
Le procès Skander Vogt a livré son verdict. - [DR]
Les quatre semaines du procès de l'affaire Skander Vogt, dont le verdict a été rendu jeudi, ont été émaillées de phrases révélatrices de la complexité du dossier.

Des jours-amende avec sursis pour un seul des prévenus, l'acquittement pour les autres: c'est le verdict que le tribunal de Renens (VD) a rendu jeudi, mettant un terme à la saga judiciaire consécutive à la mort de Skander Vogt, ce détenu qui avait trouvé la mort en cellule après avoir incendié son matelas en 2010 à Bochuz (VD).

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Ce procès, qui a duré près de quatre semaines, a été à la hauteur de l'onde de choc suscitée par le drame dans le canton de Vaud, avec 9 prévenus, 8 avocats et une trentaine de témoins appelés à la barre.

Les auditions ont été émaillées de phrases marquantes, parfois cyniques, souvent révélatrices de la complexité de la hiérarchie pénitentiaire. Morceaux choisis.

Dilution des responsabilités

Durant le procès, de nombreuses déclarations des gardiens de prison à Bochuz ont révélé un manque de communication, une dilution des responsabilités et l'absence totale d'espace pour la prise d'initiative.

"Quand on a appris qu'il faudrait 50 minutes au DARD (le groupe d'intervention de la police vaudoise, ndlr) pour arriver, nous avons tous pensé à entrer dans la cellule. Mais le sous-chef avait peur d'enfreindre la règle." (19 novembre)

"Pour moi, quand l'infirmier et le sous-chef sont arrivés, cela signifiait aussi une transmission des responsabilités." (19 novembre)

Dans son réquisitoire le 25 novembre, le procureur n'a d'ailleurs pas manqué de souligner le caractère kafkaïen de l'organisation en vigueur aux Etablissements pénitentiaires de l'Orbe (EPO) lors du décès de Skander Vogt:

"Le parquet ne conçoit pas qu'en cas d'urgence vitale, un gardien ne puisse pas entrer dans une cellule. De tels propos démontrent le manque d'humanité et le caractère obtus de celui qui les prononce."

Un détenu au profil complexe

Parmi les éléments à décharge, le tribunal a retenu le profil "difficile" de Skander Vogt, un détenu régulièrement agressif qui n'en était pas à son premier incendie de cellule.

"Skander Vogt avait déjà incendié son matelas par le passé, mais il s'en était toujours sorti en collant sa tête à la bouche d'aération. J'ai pensé qu'il ferait pareil cette fois." (l'un des gardiens, le 4 novembre)

"La rumeur disait qu'il simulait souvent. (...) Je pensais que Skander Vogt m'attendait derrière la porte de la cellule et je ne voulais pas arriver sans plan." (le sous-chef, le 5 novembre)

Le 19 novembre, la soeur de Skander Vogt, Senda, a pris la parole devant la cour pour tenter de nuancer le portrait qui était fait de son frère.

"Je reconnais que Skander n'était pas un enfant de choeur, mais je suis aussi profondément blessée de n'avoir entendu parler que de sa dangerosité au cours de ce procès."

"Il avait une colère noire, mais elle était liée à ses 10 ans d'incarcération, qui devait à l'origine durer 20 mois. Se révolterait-on moins que lui si on vivait la même chose?"

Nombreuses incohérences du sous-chef

Le sous-chef est le seul des neuf prévenus à avoir été condamné jeudi, après avoir été reconnu coupable de mise en danger de la vie de Skander Vogt. Ses imprécisions, trous de mémoire et incohérences avaient été relevés à de nombreuses reprises au cours des audiences.

"Il y a de la fumée dans votre esprit aussi, c'est ça? Ma cliente veut des réponses!" (l'avocat de Senda Vogt au sous-chef, le 5 novembre)

"Beaucoup de ses déclarations sont objectivement incompatibles avec les faits. Pourquoi? Parce que s'il admettait les faits tels que décrits, cela reviendrait à admettre ses erreurs." (le procureur à propos du sous-chef, dans son réquisitoire le 25 novembre)

"A charge, le parquet retient le comportement rigide du sous-chef qui a joué un rôle clé, et ses nombreux mensonges." (le procureur, le 25 novembre)

Lien de causalité non établi

L'une des auditions clés de ce procès aura été celle de l'auteur du rapport d'expertise médico-légale, entendu le 7 novembre. L'expert avait alors déclaré qu'il n'était "pas possible de déterminer de manière précise à partir de quel moment Skander Vogt n'aurait plus pu être sauvé."

Une déclaration capitale: si les prévenus ont été libérés du chef d'accusation d'homicide par négligence, c'est précisément parce qu'il n'a pas été possible d'établir un lien de causalité entre la négligence et le décès de Skander Vogt.

Pauline Turuban

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