Modifié

Des propriétaires de terrains dézonés aux Diablerets menacent la télécabine

VD: les communes des Alpes vaudoises dézonent massivement des terrains à bâtir
VD: les communes des Alpes vaudoises dézonent massivement des terrains à bâtir / 19h30 / 2 min. / le 12 juillet 2016
La mise en œuvre de la loi sur l’aménagement du territoire se passe dans la douleur dans les Alpes vaudoises. En particulier aux Diablerets, où certains propriétaires lésés risquent de mettre en péril le renouvellement de la télécabine d'Isenau.

Aux Diablerets, la saison touristique bat son plein. Mais l’ambiance est morose parmi les habitants à l’année, en particulier les propriétaires de terrains non construits. La commune d’Ormont-Dessus, sur laquelle se trouve la station de ski, compte 24 hectares de zone à bâtir excédentaire par rapport à ses besoins à 15 ans. Une surface qu'elle devra déclasser, c’est-à-dire rendre en affectation agricole, pour se conformer à la loi sur l'aménagement du territoire.

Et tout va très vite. Car sur ces 24 hectares, un premier lot de 7,2 hectares de dézonage est à l’enquête en ce moment, jusqu'au 14 juillet. Et comme les autres communes des Alpes vaudoises, Ormont-Dessus espère toucher le "bonus LAT".

Une séance houleuse

Le principe est le suivant: les huit communes concernées peuvent toucher 10% à 20% de subventions supplémentaires pour les investissements dans leurs remontées mécaniques, si elles dézonent rapidement 30% des surfaces excédentaires. Elles ont jusqu'au 15 novembre pour réviser leur plan partiel d’affectation, et le faire approuver par le conseil communal.

Je pensais donner une parcelle à mes enfants pour qu’ils puissent accéder à la propriété

Philippe Pichard, agriculteur

Tenue fin juin, la séance d’information a été houleuse. "J’avais 17'000 m2 de terrain à bâtir. J’ai tout perdu. Je ne pensais pas en faire une affaire financière, car je pensais donner une parcelle à mes enfants pour qu'ils puissent accéder à la propriété", fulmine Philippe Pichard, agriculteur et ancien municipal. Comme lui, certains habitants qui se sentent lésés reprochent à la commune d’avoir agi précipitamment.

Pas le choix, dit le syndic

Syndic d’Ormont-Dessus, Philippe Grobéty répond qu'il n'avait pas le choix. Sans bonus LAT, les nombreux investissements sur le domaine skiable seraient impensables. Quant au choix des parcelles dézonées, il répond à des critères stricts, en partie fixés par le Canton. "Depuis que je suis syndic, c’est probablement le dossier le plus compliqué que j’ai eu à traiter. Quand on présente les cartes, il n’y a bien sûr pas un propriétaire qui est content d’être dézoné. Mais on a peu de marge de manœuvre. La commune est sensée dézoner 90% de sa réserve de zones à bâtir. C’est très très complexe."

A l’échelon cantonal, c’est le chef du Département de l’économie Philippe Leuba qui pilote le dossier bonus LAT: "Je comprends qu'un propriétaire qui à cause de la loi fédérale n’a plus de possibilité de construire soit fâché. Il fallait combattre la loi fédérale et non pas les aides cantonales qui atténuent les effets de la loi fédérale."

Menaces sur la télécabine d'Isenau

Par ricochet, ce bras de fer menace le renouvellement de la télécabine d’Isenau. "Si mes parcelles sont dézonées totalement, je ne signerai pas l'élargissement de la servitude. C’est mon seul moyen de pression. On a tenté de tout me voler, je n’ai pas d’autre choix", menace Philippe Pichard. Son terrain est en effet traversé par les pylônes de la future installation. Et les remontées mécaniques ont besoin de la signature des propriétaires concernés cet été encore. Ils seraient plusieurs dans cette situation.

En cas d’échec, cela pourrait signer le glas du domaine skiable d’Isenau. L’installation actuelle âgée de 42 ans ne pourra plus tourner après l’hiver 2017. La tension monte dans la station vaudoise. Et le casse-tête politique promet d’occuper les autorités tout l’été.

Laurent Dufour/boi

Publié Modifié