Ce matériel se détériore au fil du temps et peut également être endommagé lors de manipulations. "On met toujours des gants dans les collections pour éviter les oxydations des supports photographiques" explique Caroline Recher, conservatrice au Musée de l'Elysée.
Mais ces vieux négatifs peuvent aussi agresser ceux qui s'en approchent. "On met d'autant plus les gants dans le cas de négatifs souples nitrate-acétate, qui sont toxiques quand ils commencent à se décomposer. Ils dégagent des acides qui sont extrêmement toxiques pour la santé", poursuit Caroline Recher.
Et si on manipule de grandes quantités d'objets, il faut se protéger non seulement les mains mais également les yeux. "Ce sont des équipes qui alternent toutes les demi-journées pour pouvoir travailler sur ces fonds, parce que les émanations sont toxiques pour les muqueuses, pour les yeux, pour la peau (…) On sait que c'est plus que toxique", insiste la conservatrice.
Risque de feu voire d'explosion
Mais d'autres dangers guettent avec le vieillissement de ce matériel photographique. Quand ils atteignent le stade 4 de dégradation, qui est difficile à prévoir, les négatifs en nitrate de cellulose peuvent s'auto-enflammer déjà à une température de 40 degrés. "C'est un feu qu'on n'arrive pas à éteindre. Et quand on a de très grandes quantités, on peut avoir des explosions."
C'est un risque connu et maîtrisé dans les musées dédiés à la photo mais aussi dans les cinémathèques, qui conservent de vieilles pellicules de films.
Stade ultime: la nécessaire destruction
Et quand ils présentent davantage de danger que d'intérêt, il faut parfois se résoudre à les détruire. "On ne jette jamais dans un musée, c'est le tabou absolu!" note Caroline Recher. Et pourtant: "Quand on n'a plus aucune image, plus aucune information, on documente [le matériel] et on le détruit. C'est un déchet toxique, et cela ne se fait qu'avec l'aval des éventuels ayant-droits et avec un protocole très précis. Mais pour tout ce qui n'est pas à ce stade ultime de décomposition, on sait que si on ne fait rien cela va continuer à se dégrader, donc on va perdre au fur-et-à-mesure du patrimoine."
C'est donc une sorte de course contre la montre qui s'engage, pour sauver ce qui peut l'être tout en se protégeant des risques. Mais ce ne sera pas possible pour toutes les collections du Musée de l'Elysée sur son futur site de Plateforme10.
A la recherche d'un site unique
"A l'heure actuelle, nous avons trois lieux de stockage. Sur le site muséal, nous aurons enfin la possibilité d'avoir nos collections au même endroit que le musée", explique Tatjana Franck, directrice du Musée de l'Elysée. A une exception près: celle des supports nitrate, qui seront stockés dans un lieu extérieur pour des questions à la fois de sécurité et de conditionnement nécessaire à ces supports. "Nous sommes en discussions avec la Cinémathèque suisse pour avoir un lieu commun - y compris avec d'autres institutions. Ce serait vraiment l'objectif" souligne-t-elle.
Simon Corthay/oang