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Faillites en série derrière l'arnaque de la Caisse de chômage vaudoise

Le coup de la fraude
Le coup de la fraude / Mise au point / 13 min. / le 21 mai 2017
Pendant des années, des ferrailleurs et deux membres d'Unia auraient arnaqué la Caisse cantonale vaudoise de chômage. Mise au point a mené l'enquête dans le monde du ferraillage, au coeur de ce scandale qui secoue Vaud et Fribourg.

Ferrailleur: le métier est réputé pour être l'un des plus pénibles sur les chantiers. Depuis que l'affaire a fait la Une des médias, Labinot Haxhaj, qui travaille à Aigle (VD), essuie des remarques acerbes. L'image de sa profession et de la communauté balkanique en a pris un coup. "Ce qui est arrivé est juste scandaleux", dénonce-t-il dans l'émission Mise au point (MAP), diffusée dimanche sur RTS Un.

Fin avril, douze ferrailleurs et deux employés du syndicat Unia sont arrêtés. Ils sont soupçonnés d'avoir détourné trois millions de francs de la caisse cantonale de chômage du canton de Vaud, en déclarant au chômage des employés fictifs. Un treizième ferrailleur a été mis en détention préventive, a appris MAP, qui est parvenu à identifier la majorité des prévenus. Tous sont originaires des Balkans. "Maintenant, on est vu comme des voyous, poursuit Labinot Haxhaj. Ça me fait honte d'être ferrailleur."

>> Lire aussi : La Caisse de chômage vaudoise aurait été flouée par des collaborateurs d'Unia et des patrons

Faillites en série...

Comment les escrocs présumés ont-ils procédé? En profitant du phénomène de faillites en série qui touche le secteur. La loi prévoit qu’en cas de faillite, les employés lésés peuvent réclamer jusqu’à quatre mois de salaire non payés. Pour se faire aider, les ouvriers peuvent faire appel au syndicat Unia, qui dépose le dossier auprès de la caisse cantonale de chômage. Une fois le dossier validé, la caisse verse le salaire au syndicat, lequel remet l'argent, parfois en cash, aux ouvriers. Les employés fictifs déclarés, il ne restait plus qu'à se partager le magot.

Le syndicat Unia n’est pas sous enquête et sa probité n’a pas été mise en cause.

Pietro Carobbio, codirecteur d'Unia Vaud

Du côté d'Unia Vaud, c'est le choc. "Deux employés sur mille ont été impliqués dans cette affaire", insiste Pietro Carobbio. Le cosecrétaire régional du syndicat fait valoir que des mesures immédiates ont été prises, les deux collaborateurs ayant été remerciés. "Le syndicat n’est pas sous enquête et sa probité n’a pas été mise en cause", souligne-t-il.

Parmi les ferrailleurs rencontrés par MAP, une rumeur court: les deux syndicalistes seraient les instigateurs de cette arnaque, constituer un dossier étant une tâche complexe. Unia ne se prononce pas sur le type de complicité. "Il y a une enquête en cours", dit Pietro Carobbio.

.... et sous-traitance

Pour Jean-Daniel Wicht, directeur de la Fédération fribourgeoise des entrepreneurs, ce phénomène de faillites en série est préoccupant. "C’est trop facile de faire faillite, observe-t-il. Il n'y pas toujours d'enquête après des faillites frauduleuses. On n’est pas curieux d'en connaître les raisons et de voir ce que le dirigeant est en train de faire, soit créer une nouvelle société." Et d'ajouter: "Il y a des gens qui profitent du système laxiste de notre pays, on a des lois pour les gens honnêtes."

Pas facile d'enquêter dans le milieu des ferrailleurs. Il y règne une certaine omerta. Tout le monde se connaît. On a peur de témoigner face à la caméra. Certains interlocuteurs, sous couvert d'anonymat, évoquent une "mafia", d'autres non. L’hypothèse d’un "système mafieux" constitue néanmoins une piste sérieusement envisagée par des sources proches de l’enquête.

Ce que les grosses entreprises font avec les sous-traitants, c'est de l'esclavage moderne.

Labinot Haxhaj, ferrailleur à Aigle (VD)

Pour Labinot Haxhaj, la mafia n'est pas derrière cette affaire. Lui fustige les "grosses entreprises", qui ont recours à de la sous-traitance. "C'est de l'esclavage moderne", dit-il.

Changement de loi réclamé

Dans le domaine du ferraillage, la sous-traitance est devenue la règle. Les prix ont chuté, passant de 620 francs la tonne d’acier à 200 francs. S'il veut rester dans la légalité, Labinot Haxhaj ne peut pas descendre au-dessous de 400 francs. Mais beaucoup cassent les prix et font ensuite des faillites en série.

Syndicats et patrons, mais aussi l'Office des poursuites et faillites du canton de Vaud qui ne peut que constater son impuissance, tous réclament un changement de loi pour lutter contre ce phénomène.

Myriam Gazut, avec Micaela Mumenthaler

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