Les faits se seraient produits entre 2013 et 2017 dans cet établissement situé à Saint-Légier et qui dépend de la Fondation Eben-Hézer. Les familles de ces jeunes adultes attendent les résultats de l’enquête depuis bientôt deux ans.
Journaliste à l'émission CQFD sur La Première, Bastien Confino a pu rencontrer la plupart d'entre elles (cinq sur six). Toutes font état de maltraitances sur leurs enfants, alors âgés entre 20 et 35 ans et réunis dans un groupe spécialisé dans l'autisme. Appelé Le Baobab, il a été dissous l'an dernier.
Une famille évoque notamment une forte augmentation des doses de neuroleptiques décidée par un psychiatre, avec des conséquences radicales sur l'état du jeune autiste. "C'était une camisole chimique, il était tranquille, voilà", décrit sa mère. De gros manquements sont également cités en matière d'hygiène, comme des dents sales, de mauvaises odeurs corporelles ou des traces de selles dans une chambre sale.
Selon d'autres parents, un résident restait plusieurs heures dans ses selles sans être nettoyé et sa mère le retrouvait régulièrement avec des hématomes sur les bras. Pour ces familles, il est clair que certains éducateurs n'étaient pas formés pour s'occuper de jeunes au trouble si particulier.
Plainte pour diffamation en réponse à une lettre anonyme
Certains éducateurs de La Cité du Genévrier ont eux aussi témoigné, d’abord sous la forme d’une lettre anonyme envoyée aux parents en octobre 2015. Ce courrier mentionne que deux membres de l'encadrement frappent certains résidents, les laissent dans leurs selles au point qu’ils finissent par les manger ou encore les laissent dans leur chambre pendant des heures sans activité.
Ces faits ont été dénoncés à la direction et l'institution a déposé une plainte pénale pour diffamation. Mais cette dernière a été classée, l’enquête n’ayant permis ni d’identifier son auteur ni d’établir les faits dénoncés.
L’association Autisme Suisse romande, qui défend les familles, regrette qu'un seul parent ait été entendu et qu'il n'y ait pas eu d’enquête de terrain - même si ces autistes ne peuvent pas témoigner eux-mêmes. Pour elle, toute la lumière n'a pas été faite.
D'anciens éducateurs confirment les maltraitances
Rencontrés par la RTS, d'anciens éducateurs (ils ne travaillent plus à La Cité du Genévrier) confirment le contenu de cette lettre anonyme. Eux aussi ont été choqués par ce qu'ils ont vu dans l'institution.
"On sent qu'il y a quelque chose qui ne va pas, on sent qu'il y a de la négligence, un manque de professionnalisme", souligne l'un d'entre eux. "On nous a écoutés, on a été plusieurs à aller signaler ces situations délicates, mais il ne s'est rien passé de concret." Un autre éducateur parle d'un collègue "odieux", faisant même preuve de "sadisme".
Résultats de l'enquête promis à mi-avril
Pour l’instant, le canton de Vaud - qui subventionne l'institution à hauteur d'environ 95% - attend les conclusions de l'enquête consécutive à la plainte déposée en 2016.
Pierre-Yves Maillard, conseiller d'Etat chargé de la Santé, explique que l'Etat a la possibilité - si les faits sont avérés - de retirer l’autorisation de diriger au directeur, voire l’autorisation d’exploiter à l’institution. Et le canton affirme à la RTS que les résultats tomberont à la mi-avril.
En attendant, trois résidents ont été déplacés dans un autre foyer - ce qui satisfait les parents. Deux autres jeunes sont toujours sur le site de Saint-Légier.
Jeudi, l'émission CQFD (La Première) est consacrée à la question de la prise en charge de personnes autistes avec notamment d'autres témoignages de parents et des spécialistes de la question.
Bastien Confino/Tania Barril/oang
La direction de l'institution rejette les accusations
Le directeur de La Cité du Genévrier a répondu à ces accusations dans l'émission Forum. Et Eric Haberkorn n'admet pas les faits reprochés.
"Ces accusations sont extrêmement graves (…) et nécessitent qu'on les investigue d'une manière professionnelle et neutre", explique-t-il. "C'est pourquoi on a sollicité le Ministère public, qui a diligenté la police pour faire une enquête (…) Elle a amené comme conclusion une ordonnance de classement, donc pas d'éléments ou d'évidences qui leur laisse penser qu'il peut y avoir des questions de maltraitance."
Eric Haberkorn précise qu'il n'y aura pas d'enquête interne. "Nous n'allons pas, nous, faire des investigations, nous ne sommes pas des professionnels de l'investigation policière et il est nécessaire - face à des accusations aussi graves - que nous ayons recours à des gens dont c'est le métier."
Le directeur précise néanmoins ne pas être "resté les bras croisés". Aussitôt après que cette lettre anonyme a fait surface, nous avons fait accompagner ce groupe pendant deux mois tous les jours par des cadres, de sorte à pouvoir vérifier qu'il ne se passe rien de particulier."
Il reconnaît en revanche la présence de personnel non formé - aux côtés de personnel formé. "Et travailler avec des remplaçants n'est absolument pas satisfaisant."
>> Ecouter l'interview d'Eric Haberkorn dans l'émission Forum: