"Ueli Maurer ne répond plus"
La formule choisie par Le Matin sonne comme une bande dessinée des années soixante. Par le biais de son porte-parole, Ueli Maurer a fait savoir hier qu'il n'avait jamais lu les rapports sur l'avion Gripen publiés dans Le Matin Dimanche. Jusqu'à quand le ministre gardera-t-il le silence, se demande Le Matin. Son attitude déplaît fortement aux membres de la commission de politique de sécurité du Conseil des Etats. La situation donne l'image d'une république bananière, résume l'auteur de l'article, qui cite Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la Revue Militaire. Politiquement, Ueli Maurer vit sur le fil de rasoir. Du coup, la Tribune de Genève et 24 Heures se demandent dans un article commun si la Suisse se dirige vers une nouvelle affaire Mirage. Le fait qu'Ueli Maurer ait, à plusieurs reprises, balayé en conférence de presse les questions sur les piètres performances du Gripen tend à confirmer la thèse selon laquelle Ueli Maurer aurait basé sa proposition d'achat sur des raisons financières et économiques. Reste cette question qui hante les rédactions: le ministre de la Défense dit-il vrai en affirmant ne pas avoir été au courant du rapport très négatif de son commandement des Forces aériennes sur les capacités militaires de l'avion de combat Gripen? Il devrait répondre à cette question mardi. La Liberté résume l'affaire: "ça sent le roussi pour Ueli Maurer".
La presse alémanique particulièrement est agressive
Le Blick parle en Une de "Gripen Desaster" et se demande si Ueli Maurer va s'écraser. La Neue Zürcher Zeitung parle d'une motion de censure contre Maurer, tant les réactions parmis les politiciens sont vives. Mais le commentaire le plus mordant ce matin est à lire dans la Basler Zeitung. Son titre est on ne peut plus clair et il donne le ton de l'article: "Maurer est coupable". Le quotidien bâlois constate qu'en novembre 2011 déjà il faisait état des mauvais résultats du Gripen. A l'époque, la Basler Zeitung s'était approchée du département de la Défense pour parler de ces rapports. Ueli Maurer avait donc été confronté à ces évaluations catastrophiques il y a trois mois. Il aurait dû en prendre connaissance au moins à ce moment-là écrit le journal. Aujourd'hui, il est sous pression, mais il est le seul responsable de cette situation, conclut le commentateur de la Basler Zeitung.
Autre nom décrié, celui de Stephan Schmidheiny
Le procès historique de l'amiante fait la Une de presque tous les journaux alémaniques ce matin. Seize ans de prison pour le milliardaire Suisse Stephan Schmidheiny et le Belge Louis de Cartier. Le verdict a été rendu hier par le tribunal de Turin. Stephan Schmidheiny est condamné en tant que propriétaire des usines Eternit en Italie. Le Tages-Anzeiger et le Bund proposent mardi un dossier de cinq pages sur ce sujet. Le procureur prévoit, révèlent les deux journaux, d'entamer des poursuite contre Eternit en Suisse. Des anciens employés italiens des usines Eternit de Payerne et de Niederunrnen dans le canton de Glaris sont en effet décédés à cause de l'amiante. Dans le viseur du procureur de Turin on retrouve Stephan Schidheiny et son frère Thomas. Au total en Suisse l'amiante va tuer encore 4500 personnes à l'avenir, expliquent les spécialistes. Le problème, c'est que le délai de prescription en place en Suisse empêche les procès. Le gouvernement veut supprimer la prescription lorsqu'il s'agit d'amiante. L'économie, elle, ne veut pas en entendre parler.
La victoire des victimes de l'amiante
C'est même la première grande victoire de ces victimes, précise le journal Le Temps. "Prenons en acte sans préjuger du probable recours", précise l'éditorialiste du quotidien. Eternit, c'est l'histoire d'une société aveuglée par un matériau exceptionnel et qui tarde à réagir aux premiers avertissements des scientifiques. Le procès dont le verdict est tombé lundi doit être exporté, ajoute Le Courrier. La chute de de Stephan Schmidheiny ne doit pas faire oublier que d'autres responsables dorment ailleurs dans le monde. "Le procès de l'arrogance", note Le Matin qui espère, sous la plume de son éditorialiste, que le verdict d'hier aura la vertu d'inciter les barons de l'industrie à un peu plus d'humilité. Ceux-ci sont trop prompts à penser qu'on ne risque pas grand chose dès que l'on figure au classement des premières fortunes du monde, note Le Courrier. Mais le combat des victimes, rappelle Le Matin, n'est pas terminé. Les avocats des accusés ont fait savoir leur voeu de faire appel d'une décision jugée "incompréhensible". L'extradition de Stephan Schmidheiny n'est, quant à elle, pas acquise, la Suisse se réservant le droit de la refuser.
pbug, avec Jean-François Moulin et Stéphane Deleury / rsr