L’atout du riz basmati, c’est incontestablement son parfum. Son handicap, c’est peut-être la quantité de produits phytosanitaires utilisés dans sa culture. Des produits qui se retrouvent jusque dans les assiettes de consommateurs suisses, comme le montre un test conduit par l’émission A Bon Entendeur de la RTS, en partenariat avec Bon à Savoir.
Des échantillons de douze marques de riz basmati produits en Inde et au Pakistan ont ainsi été prélevés dans des commerces de Suisse romande: à la Coop, à la Migros, mais aussi dans des petits magasins spécialisés par exemple en alimentation asiatique.
34 fois la dose maximale
Plus de la moitié du lot, soit sept paquets sur douze, se révèlent être impropres à la consommation et devraient donc être interdits de vente en Suisse. Les riz achetés à la Coop et à la Migros respectent parfaitement les normes helvétiques. Mais les sacs vendus par plusieurs petits commerces contiennent trop de pesticides.
Ces résultats sont clairement insatisfaisants, mais c’est une situation qui ne nous surprend pas vraiment
Le riz le plus chargé, un sac de la marque Aggarwal acheté à Lausanne (voir résultats détaillés ci-dessous) contient ainsi cinq pesticides interdits, avec l’une des substances atteignant 34 fois la dose maximale autorisée. Au total, ce produit contient les traces de treize produits phytosanitaires.
"Ces résultats sont clairement insatisfaisants, mais c’est une situation qui ne nous surprend pas vraiment. D’une part parce que c’est une culture sujette aux maladies et donc aux traitements. D’autre part, parce qu’il y a une pression économique énorme et donc la production est poussée à fond", commente Patrick Edder, chimiste cantonal genevois.
"Et il y a des changements de législation fréquents avec des produits qui se sont vu retirer leur homologation en Europe, ce qui a pour conséquence que les normes légales sont très basses. Enfin, le riz se stocke facilement et pendant longtemps ce qui fait qu’on a un décalage entre la production et l’arrivée sur le marché."
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Des vendeurs impuissants
La RTS a interpellé tous les magasins dans lesquels des riz problématiques ont été trouvés. Ceux qui ont répondu affirment avoir immédiatement retiré les produits mis en cause. C’est notamment ce qu’a fait Yusuf Uysal, gérant du Marché Istanbul à Fribourg.
Le commerçant déplore les problèmes de qualité de la marchandise qui lui est fournie: "Cela fait 22 ans que je suis dans le métier. Ces deux dernières années, on reçoit pas mal de rappels, surtout pour les épices et le riz. Ça doit être le troisième ou quatrième cas depuis le début de l’année. Ces produits entrent légalement en Suisse et avant d’entrer, le produit doit être contrôlé et dans les normes. Et nous, on ne devrait pas avoir ces problèmes-là."
De fait, au regard de la loi suisse, les importateurs sont responsables de la conformité de la marchandise. Difficiles à identifier et à contacter, certains importateurs n’ont pas répondu aux sollicitations de l’émission. Ceux qui l’ont fait affirment que leurs riz ont été certifiés dans les pays de production et parfois également en Suisse. La marque Aggarwal – dernière du test – s’engage également à faire analyser davantage de sacs de riz.
Des lacunes dans le système de contrôle?
Une situation emblématique des trous dans le filet de contrôle des importations de riz. "Cela fait plusieurs années que nous faisons des contrôles, qu’on retire des riz du marché, qu’on impose des choses au niveau de l’autocontrôle et on voit que les résultats sont toujours insatisfaisants", déplore Patrick Edder.
Et l'expert de conclure: "Il faut d’une part renforcer l’autocontrôle des importateurs qui n’est pas suffisant et d’autre part les sanctions envers les importateurs. En Suisse, ce sont vraiment eux les responsables légaux de la qualité de ces riz."
Alexandre Willemin, avec Linda Bourget
Quid de la santé?
Manger du riz contenant trop de pesticides peut-il nuire à notre santé? Responsable de l’Unité de santé environnementale d’Unisanté, Aurélie Berthet se veut rassurante. Si les valeurs limites au niveau des produits sont clairement dépassées, manger 100 grammes de riz contaminé par jour n’entraîne pas de dépassement de la dose journalière acceptable (celle à partir de laquelle des effets néfastes peuvent apparaître), tant pour un adulte que pour un enfant. C’est le cumul de ces substances avec celles ingérées par d’autres voies qui peut se révéler problématique.
"Si on ajoute à ces pesticides ceux qui pourraient se retrouver ailleurs dans notre alimentation, par exemple dans des mangues, des bananes ou autres, cela augmente petit à petit la concentration et on se rapproche de notre dose journalière acceptable", détaille la spécialiste.
A noter que certains produits phytosanitaires ne sont pas interdits en raison de risques sanitaires mais environnementaux. Ainsi sur les sept pesticides non conformes identifiés dans le cadre de ce test, quatre ont été interdits en Suisse en premier lieu pour des raisons écologiques. Il s’agit en effet de néonicotinoïdes dangereux notamment pour les abeilles.