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Guérir, un processus complexe au-delà du simple rétablissement physique

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Savoir guérir / 36.9° / 44 min. / hier à 20:10
La guérison est souvent perçue comme un retour à l'état de santé antérieur. Pourtant, pour de nombreux patients, le chemin vers la guérison s'avère bien plus complexe qu'un simple rétablissement physique. 

Corinne, 46 ans, vit depuis plus de 30 ans avec des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) sévères. Après avoir essayé de nombreux traitements, on lui propose une opération inédite: la stimulation cérébrale profonde. "Pour moi, c'était la solution miracle, c'était magique", confie-t-elle dans l'émission 36.9°. Ses espoirs sont immenses: "J'attendais une guérison totale. J'attendais peut-être de devenir un peu quelqu'un d'autre."

Jérémie, lui, a combattu un cancer des testicules à 33 ans. Durant son traitement, il se voit comme "un guerrier", gérant même son magasin de sport pendant sa chimiothérapie. Maria, 54 ans, a subi un bypass gastrique il y a dix ans pour traiter son obésité.

Le choc de la réalité post-traitement

Malgré le succès médical de leurs traitements, ces patients font face à des défis inattendus après leur "guérison".

Corinne réalise que sa vie post-opération n'est pas aussi extraordinaire qu'elle l'imaginait: "Ma vie à moi, elle n'est pas remplie autrement que par des choses de tous les jours." Elle doit apprendre à vivre avec des TOC mieux contrôlés, mais toujours présents.

Ma normalité n'est plus comme celle des autres

Jérémie

Pour Jérémie, les difficultés surviennent après la rémission: "Le souci, c'est venu plus tard, le moment où ma normalité n'est plus comme celle des autres." Il fait une dépression trois ans après avoir vaincu le cancer.

Pour Maria, l’opération est un succès et elle retrouve rapidement un poids sain. Mais le poids invisible de ses traumatismes, lui, n’a pas disparu. Elle se trouve confrontée à de nouveaux défis émotionnels après sa perte de poids. Elle doit apprendre à gérer ses émotions sans le "bouclier" que constituait son obésité.

L'importance d'une approche globale

Ces témoignages soulignent l'importance d'une prise en charge holistique des patients, comme l'explique la professeure Selma Aybek, neurologue à l'Université de Fribourg: "On aime bien voir ces troubles dans leur modèle bio-psycho-social. [...] Le traitement et l'accompagnement vont se faire vraiment sur la personne dans son ensemble."

Qu'est-ce que ça veut dire, être guéri? Est-ce que ça veut dire être comme avant?

Sandra

Cette approche globale est particulièrement cruciale pour les maladies invisibles ou mal comprises, comme les troubles neurologiques fonctionnels dont souffre Sandra, 39 ans. Pendant des années, elle a dû faire face à l'incompréhension du corps médical et de la société.

Vers une nouvelle définition de la guérison

Ces parcours nous invitent à repenser notre conception de la guérison. Comme le résume Sandra: "Finalement, qu'est-ce que ça veut dire, être guéri? Est-ce que ça veut dire être comme avant? [...] Je pense qu'on passe sa vie à travailler sur soi, à guérir."

La doctoresse Samia Hurst, bio-éthicienne à Genève, souligne l'importance de mettre des mots sur ce processus, ce qu'on appelle la médecine narrative: "Quand on guérit, ce n'est pas comme avant. En fait, la guérison aussi fait partie, désormais, de notre histoire."

Ces témoignages mettent en lumière la complexité du parcours de guérison, qui va bien au-delà du simple rétablissement physique. Ils soulignent l'importance d'un accompagnement global et personnalisé des personnes sur le long terme, en prenant en compte les dimensions physiques, psychologiques et sociales de la guérison.

Cette approche holistique représente un défi pour le système de santé, comme le note Samia Hurst: "Ce n'est pas quelque chose qui fait traditionnellement partie des tâches de la médecine." Pourtant, elle semble essentielle pour aider les patients à naviguer dans cette transformation complexe qu'est la guérison.

Reportage TV: Arditë Shabani et Olivier Paul

Adaptation web: Gaëlle Bisson

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