Guérisons extraordinaires: quand les cas exceptionnels font progresser la recherche médicale
Rémission inédite du VIH à Genève
Romuald, le "patient de Genève", a été l'un des rares cas dans le monde à entrer en rémission du VIH après avoir reçu une greffe de moelle osseuse pour soigner sa leucémie aiguë.
Au moment de soigner Romuald, Alexandra Calmy et son équipe de l’unité VIH des HUG voient une opportunité: faire d’une pierre deux coups, soigner la leucémie et le VIH en même temps.
Et c’est possible, cinq patients ont déjà reçu une greffe de moelle et ont guéri des deux maladies. Dans ces cinq cas, le donneur a toujours été porteur d’une mutation génétique appelée CCR5 Delta 32, une mutation qui offre une résistance au VIH.
Mais Romuald ne peut pas attendre, alors il reçoit une greffe sans la fameuse mutation. Après l’intervention, il développe la maladie greffon contre hôte (GVH), les cellules saines du greffon attaquent les cellules du receveur. Cet effet est bénéfique, dans la mesure où le greffon s’attaque aux cellules cancéreuses, mais il s’attaque aussi aux cellules saines du receveur, ce qui implique de prendre des médicaments anti-rejets.
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Romuald est finalement en rémission de sa leucémie et surprise, le VIH ne réapparaît pas, lui non plus: "On m'a dit depuis l'âge de mes 18 ans: "Prenez votre traitement !". Jamais je n'aurais imaginé ni même espéré qu'on me dise: "Vous pouvez l'arrêter". C'est une réussite pour moi, une victoire sur le combat d'une vie contre la maladie", réagit Romuald.
Jamais je n’aurais imaginé qu’on me dise: "Vous pouvez arrêter [le traitement]!"
Depuis 2023, son virus reste indétectable malgré l'arrêt de son traitement antirétroviral, un phénomène que les médecins, comme Yves Chalandon, s'efforcent de comprendre. Ils explorent le rôle possible des cellules NK (natural killer) robustes de son donneur et l'influence de la maladie greffon contre hôte.
Dans tous les cas, le "patient genevois" a apporté des pistes de recherches et un espoir de traitement, explique la professeure Alexandra Calmy, responsable de l’Unité VIH au service des maladies infectieuses des HUG: "J'espère qu'on arrivera à faire des essais cliniques qui permettront de mieux savoir si on peut répliquer l'expérience de Romuald. Rien n'aurait été possible sans lui, je lui en suis très reconnaissante. Je pense que beaucoup d'autres personnes diraient la même chose que moi et aujourd'hui, j'aurais juste envie de lui dire merci."
Rien n’aurait été possible sans [Romuald]. J’aurais juste envie de lui dire merci
Phagothérapie: une nouvelle arme contre les infections résistantes
José Vidal a souffert de surinfections pulmonaires dues à une bactérie résistante aux antibiotiques. Avec la phagothérapie, il a pu échapper à son état critique. Ce traitement utilise des virus ciblant spécifiquement des bactéries pathogènes.
Une collaboration avec l'Université de Yale a permis de trouver un phage spécifique à sa souche bactérienne, un traitement administré par inhalation et autorisé seulement à titre compassionnel, qui a permis à José de retrouver sa santé. Yolanda Gago, sa sœur, commente: "C’était vraiment quelque chose d’inespéré. Ça a été un changement radical, spectaculaire, il est revenu d’entre les morts… "
C’était vraiment quelque chose d’inespéré. Il est revenu d'entre les morts
Grâce à la phagothérapie, José Vidal a pu reprendre sa vie, il donne aujourd’hui des cours à des jeunes en apprentissage. Mais José n’est pas à l’abri d’une rechute, des bactéries sont peut-être encore logées dans le fond de ses poumons.
L’idéal serait qu’il puisse recevoir une phagothérapie en préventif, mais pour l’instant, les phages ne sont pas reconnus comme médicament par Swissmedic. Ce qui provoque de la frustration chez José: "Je suis la preuve vivante que ça fonctionne, donc je ne comprends pas qu’en ayant une thérapie qui peut m’aider ou qui peut me sauver, elle ne puisse pas m’être donnée parce qu'il manque un coup de tampon des autorités, c’est très frustrant."
Immunothérapie contre le mélanome métastatique
Béatrice Thurnherr illustre les avancées de l'immunothérapie pour traiter des cancers jusqu'ici considérés incurables. Face à un mélanome métastatique avancé, elle a reçu une immunothérapie qui a permis à son propre système immunitaire de cibler les cellules cancéreuses. Bien que cette approche ait entraîné des complications, les résultats restent prometteurs.
Si l’immunothérapie change la donne pour certains patients atteints d’un mélanome métastatique, un cancer non guérissable jusqu’ici, elle est aussi révolutionnaire pour les oncologues. Ils ont un outil de plus dans leur arsenal thérapeutique. "On n’avait pratiquement aucun patient qu'on arrivait à guérir d'un mélanome métastatique. Et maintenant probablement qu'on en guérit plus de 50%, donc c'est une révolution exceptionnelle", complète le professeur Olivier Michielin, médecin chef au département d’oncologie des HUG. La mauvaise nouvelle, c'est que malheureusement, cette thérapie n’a pas les mêmes résultats sur d’autres types de cancer.
Maintenant probablement qu'on guérit plus de 50% des mélanomes métastatiques, donc c'est une révolution exceptionnelle
Ces récits de rémissions extraordinaires ou inexpliquées permettent d’ouvrir de nouvelles pistes de recherche. Chaque guérison extraordinaire permet une meilleure compréhension de la maladie, un espoir de traitement. Mais en se faisant traiter, tous les patients se mettent finalement au service de la recherche. Grâce à eux, la médecine pourra offrir une meilleure prise en charge aux patients de demain.
Reportage TV: Géraldine Genetti et Clémentine Bugnon
Adaptation web: Gaëlle Bisson