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Insomnie: sortir de la spirale infernale

Insomnie: sortir de la spirale infernale [RTS]
Insomnie: sortir de la spirale infernale / Dingue / 34 min. / le 9 décembre 2024
En Suisse, près d'une personne sur trois évoque des troubles du sommeil lors d'une consultation chez leur médecin généraliste. Environ 10 à 15% de la population souffre d'insomnie chronique. Si le lien entre insomnie et santé mentale est établi, il reste difficile de déterminer si l'insomnie entraîne un trouble ou si l'inverse est vrai.

Dans le podcast Dingue, Cynthia témoigne: elle n'a jamais bien dormi. En 2004, à 17 ans, ses troubles du sommeil deviennent problématiques. Elle suit alors un apprentissage en pâtisserie. "Il y a l'inquiétude de se réveiller le matin à 4h, de ne pas assez dormir, de devoir assumer la journée d'après." Submergée par la situation et incapable d'exprimer sa détresse à ses parents, elle fait une tentative de suicide, suivie d'une hospitalisation en psychiatrie. "Je me rappelle qu'ils me donnaient 12,5 mg de Temesta par jour et c'est quand même une sacrée dose."

La spirale s'emballe

À 19 ans, lors d'une soirée entre amis, Cynthia, toujours en quête d'un apaisement pour son mental "qui tourne à 300 km/h", consomme du LSD. Le bad trip qu'elle expérimente est traumatisant et les souvenirs récurrents de cet épisode aggravent encore son trouble du sommeil. Cynthia n'arrive plus à tolérer le lâcher-prise de l'endormissement.

Dans une tentative de retrouver la sérénité — et le sommeil —, elle entreprend un voyage dans l'Himalaya. Mais l'expérience se révèle éprouvante. À son retour, Cynthia décide de réduire son temps de travail à 50% et de mettre fin à une relation amoureuse. Elle décrit cette période comme "un bonjour dans le néant".

 Le sommeil est une machine extrêmement complexe

Tifenn Raffray, psychiatre, psychothérapeute et codirectrice médicale du Centre du sommeil de Florimont à Lausanne

Tifenn Raffray, psychiatre, psychothérapeute et codirectrice médicale du Centre du sommeil de Florimont à Lausanne, souligne que la première intention dans le traitement de l'insomnie ne devrait jamais être médicamenteuse. "Ce serait assez réducteur finalement de penser cela parce que le sommeil est une machine extrêmement complexe." Selon elle, la Thérapie Cognitivo-Comportementale de l'Insomnie (TCC-I) est la méthode la plus efficace. "Entre 70 et 80% de réussite, c'est une thérapie très efficace et validée scientifiquement."

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Echecs thérapeutiques

Cynthia fait cependant partie des 20 à 30% de personnes pour lesquelles cette thérapie reste inefficace. Elle l'a pourtant suivie sous deux formes, en groupe et en individuel. Elle a également testé de nombreuses approches: "J'ai fait de l'hypnose. J'ai fait de la méditation de pleine conscience. Du sport à outrance. J'ai été à la clinique du sommeil. J'ai essayé le chamanisme, j'ai essayé le Reiki, l'acupuncture, l'ostéopathie et tout ce qui est spirituel, on va dire énergétique." Aujourd'hui, Cynthia ne parvient à dormir, très peu, qu'avec des médicaments. "Sans ça, c'est impossible. Je suis obligée d'avoir quelque chose qui va court-circuiter."

Récemment, après des années de recherche pour comprendre l'origine de son insomnie, Cynthia a été diagnostiquée d'un Trouble du Spectre de l'Autisme (TSA). Le lien entre autisme et troubles du sommeil est fréquent; il ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques.

Malgré les épreuves, Cynthia garde espoir. "Même en dormant une heure par nuit pendant des semaines, mon superpouvoir, c'est d'arriver encore à avoir des contacts avec les autres et avec le plus de douceur possible. On n'est jamais à l'abri d'avoir une belle rencontre ou une belle chose qui arrive."

Adrien Zerbini

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