Fongicides, insecticides, herbicides... Le test a montré l'exposition à plus d'une vingtaine de produits chimiques, dont six interdits d'utilisation en Suisse. L'émission Mise au Point a fait analyser dans un laboratoire spécialisé des gants en coton portés par deux fleuristes genevois.
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Le test a été supervisé par Aurélie Berthet, responsable d'unité au secteur Santé globale et environnementale chez Unisanté. Selon elle, même s'il n'y a pas d'étude sur les risques sur la santé auxquels sont exposés les fleuristes sur le long terme, les résultats sont préoccupants.
“Parmi les produits trouvés, plusieurs sont soit irritants, soit sensibilisants, donc il va y avoir une réaction cutanée. Cela peut gratter ou la peau peut devenir rouge ou de l'eczéma peut apparaître, souligne Aurélie Berthet. Pour le long terme, ce sont tout de même des petites doses qui pourraient contribuer à une maladie. Il est toutefois difficile de le dire, car nous sommes exposés à un cocktail de produits chimiques ou non tous les jours."
Renoncer aux pesticides ?
Selon l’experte, il y a plusieurs options: “La première et la meilleure serait de se demander si on a vraiment besoin de ces produits dans la culture des fleurs. Et est-ce qu'on veut bien accepter une fleur qui n'est pas parfaite et donc se tourner vers des fleurs non traitées? La deuxième, si les fleuristes n'ont pas le choix, il faut absolument se protéger. Ce sont de faibles doses, mais l'exposition est présente."
Philippe Wuillemin, le patron de Wuillemin fleuriste, s'est prêté à l'expérience. Il admet que la profession doit se soucier davantage de la provenance des fleurs qui arrivent en magasin. "On ne l'a peut-être pas assez fait par le passé, mais c'est à nous, fleuristes, de nous intéresser davantage aux modes de culture de nos producteurs, de contrôler leur label. On va aller dans ce sens."
Connaître les risques et apprendre les bons gestes
Conscient de la problématique, l'Ecole des fleuristes de Lullier, dans le canton de Genève, dit sensibiliser ses élèves aux risques. "Nous insistons sur ce qui est préconisé par l’Association Suisse des Fleuristes", affirme Alexander Meckel, maître d'enseignement professionnel.
Alexander Meckel décrit les mesures à prendre, notamment "se laver les mains après avoir manipulé les fleurs, mais aussi avant la pause et à la fin de la journée, ne pas se toucher le visage, ne pas manger pendant le travail, porter un tablier pour éviter qu'il y ait d'éventuels résidus de pesticides sur les habits, etc.”
Mais l'école songe dorénavant à aller plus loin avec le port de gants de protection. "Nous avons des réflexions et nous allons mener des tests pour savoir quels gants nous allons proposer à nos élèves et à quel moment il est opportun de les porter", ajoute Alexander Meckel.
"Diminution de l'exposition aux pesticides"
En Suisse, 90% des fleurs sont importées. Or une enquête d'A bon entendeur en 2022 révélait que sur 10 bouquets de fleurs de production étrangère, 9 contenaient des pesticides non autorisés en Suisse.
Interrogée sur cette problématique, florist.ch, l'Association Suisse des Fleuristes, dit avoir publié des recommandations sur la manipulation de fleurs en 2012 déjà. Quant à savoir si elle a déjà testé l'exposition de ses membres à des pesticides, elle répond: "ceci est la tâche des importateurs et des autorités douanières. Mais depuis notre action de 2012, il y a eu une diminution de l'exposition aux pesticides."
Pas de contrôles sur les pesticides à l'importation
Pour leur part, les autorités douanières expliquent que la Suisse et l'Union européenne font partie du même espace phytosanitaire. Les envois entre les pays membres de l'UE et la Suisse sont donc exempts de contrôle.
Pour ce qui est des envois en provenance de pays tiers, il revient au Service phytosanitaire de l'Office fédéral de l'agriculture d'effectuer les contrôles. Or ce dernier déclare que "le Service phytosanitaire fédéral contrôle les marchandises végétales telles que les fleurs coupées en provenance de pays non membres de l'UE uniquement en ce qui concerne les ravageurs et les maladies réglementées de végétaux, et donc pas sur les résidus de pesticides".
Sujet tv: Loïc Delacour
Un décès en France
Dans un cas connu, l'impact des résidus de pesticides fut tragique. De 2004 à 2011, la Française Laura Marivain manipule quotidiennement des fleurs, dont certaines contenant des résidus de pesticides.
La dernière année, elle tombe enceinte, mais continue pendant un temps de travailler. Sa fille Emmy meurt en 2022, à l’âge de 11 ans, d'une leucémie.
Le fonds d’indemnisation des victimes des pesticides a proposé 25’000 euros à l’ancienne fleuriste, somme qu'elle a jugé inacceptable.