Résumé de l’article
Dry january: décryptage des effets de l'alcool sur l'organisme
Longtemps considéré comme potentiellement bénéfique pour la santé à petites doses, l'alcool est aujourd'hui reconnu comme toxique dès la première gorgée. "Au XXIe siècle, on sait que tout cela relève du mythe", affirme le Dr Thierry Favrod-Coune, de l'Unité des dépendances aux HUG. Il balaie les anciennes croyances qui attribuaient à la consommation modérée de vin rouge une protection contre les maladies cardiovasculaires.
"On aimerait bien pouvoir se dire qu'une boisson, une drogue légale dans le fond, que beaucoup de personnes apprécient, soit également bonne pour la santé, mais ce n'est pas le cas", ajoute-t-il.
Une expérience grandeur nature
Pour décrypter les effets de l'alcool, 36.9° a mis en place une expérience concrète: six volontaires suisses romands ont été conviés à un apéritif. Soumis à divers tests avant et après consommation, ils ont permis d'observer en temps réel l'impact de l'alcool sur leurs capacités cognitives et motrices. Le protocole prévoyait une consommation contrôlée: pas plus de quatre verres pour les femmes, maximum cinq verres pour les hommes, avec la possibilité d'arrêter à tout moment.
Les femmes et les personnes âgées vont être plus vulnérables
Du verre aux lèvres jusqu'à son élimination, le parcours de l'alcool dans l'organisme est complexe. Absorbé par les muqueuses buccales et œsophagiennes, il se diffuse rapidement dans le sang et atteint tous les organes, notamment le cerveau, les poumons et le foie. Mais l'essentiel, soit 90% de l'alcool absorbé, est acheminé vers le foie, où il est transformé et dégradé par deux enzymes.
Le pic d'alcoolémie, c'est-à-dire la concentration maximale d'alcool dans le sang, est atteint en moins d'une heure, influencé par des facteurs comme la fatigue, la vitesse d'ingestion ou le contenu de l'estomac.
Des effets variables et insidieux
L'expérience a révélé des différences significatives dans la façon dont l'alcool est métabolisé. "C'est variable selon les individus, notamment pour des personnes qui seraient originaires d'Asie qui pourraient moins bien dégrader l'alcool. Il peut aussi y avoir une différence entre les individus simplement à cause des familles, mais aussi en raison du sexe. Les femmes et les personnes âgées vont être plus vulnérables", précise le Dr Thierry Favrod-Coune.
L'alcool a de nombreux effets simultanés. C'est un calmant, il agit comme un dépresseur du système nerveux central, ce qui amène une sensation de détente, de réduction du stress et de l'anxiété. Il a aussi un effet perturbateur en affectant le cervelet, responsable de la coordination motrice, et l'hippocampe, siège de la mémoire. Même à faible dose, il peut avoir des répercussions sur la mémoire, la coordination et les réflexes.
C’est aussi un stimulant, il fait augmenter la libération de dopamine, un neurotransmetteur lié au plaisir. Ce qui crée une sensation de bien-être, de bonheur. Une sensation agréable qui pousse à recommencer. Une consommation régulière peut donc entraîner une dépendance. Il faut une dose toujours plus élevée pour obtenir le même effet plaisant.
Le plus difficile, ça a été de faire face aussi aux autres qui te disent : "mais pourquoi tu t'arrêtes de boire, tu n'es pas alcoolique, tu n'as pas de problème"
Le risque, c'est l'addiction. "Toutes ces substances addictives: les opiacés, l'héroïne ou alors la nicotine, mais aussi l'alcool, augmentent cette dopamine, ça renforce le comportement et ça laisse une trace dans la mémoire qui ensuite peut déclencher le "craving", ce désir irrésistible de recommencer à boire", explique le Pr Christian Lüscher, du Département des neurosciences fondamentales de l'UNIGE.
Le témoignage d'Elio: un mois sans alcool
Elio, le plus jeune volontaire, a poursuivi l'expérience en s'engageant à ne pas boire d'alcool pendant un mois. Son témoignage met en avant les bénéfices d'une telle pause: gain d'énergie, meilleur sommeil et une prise de conscience de combien l'alcool est énergivore. Il souligne également la pression sociale liée à l'alcool, illustrant la difficulté de s'affranchir des normes de consommation. "Le plus difficile, ça a été de faire face aussi aux autres qui te disent : 'ah, mais pourquoi tu t'arrêtes de boire, tu n'es pas alcoolique, tu n'as pas de problème'."
L'expérience menée avec les volontaires et le témoignage d'Elio démontrent l'impact réel de l'alcool, même à des doses considérées comme modérées. "L'alcool, comme d'autres substances psychotropes, a vraiment très souvent un double visage: le plaisir, l'euphorie ressentie sur le moment, va potentiellement assez rapidement être remplacée par une forme de fatigue ou même de blues ou de tristesse", conclut le Dr Thierry Favrod-Coune, invitant chacun à se questionner sur sa propre consommation et à prendre conscience des bénéfices d'une pause dans la consommation d’alcool, même temporaire, pour la santé physique et mentale.
Reportage TV : Laurence Froidevaux, Vanessa Goetelen
Adaptation web : Gaëlle Bisson