Résumé de l’article

  • Les hôpitaux romands hébergent de nombreux patients qui n'ont plus besoin d'y être, faute de places dans les institutions adaptées comme les EMS.
  • Cette situation aggrave la surcharge hospitalière hivernale, obligeant certains cantons à demander à la population de ne venir aux urgences qu'en cas d'extrême nécessité.
  • Le canton de Neuchâtel, par exemple, prévoit de créer 900 lits d'EMS d'ici 2035 pour répondre à la forte demande liée au vieillissement de sa population.
  • Des solutions comme l'anticipation, une meilleure évaluation en amont et le renforcement des soins à domicile sont envisagées pour désengorger les hôpitaux à l'avenir.
  • Les hôpitaux romands débordés par des patients qui ne devraient plus y être

    Le service des urgences de l'hôpital de Sion est débordé (image d'illustration). [Keystone - Jean-Christophe Bott]
    Les hôpitaux suisses débordés par des patients en attente d’EMS / La Matinale / 2 min. / mardi à 06:27
    Alors que les hôpitaux fonctionnent à flux très tendu, notamment à cause de la grippe et des accidents liés à la saison hivernale, ils doivent héberger de nombreux patients et patientes en attente d’un placement ailleurs. Mais les institutions censées accueillir ces patients en "lits C", comme les EMS, sont au complet.

    Le 4 janvier, le conseiller d'Etat Mathias Reynard enjoignait déjà dans Forum la population à ne venir aux urgences des hôpitaux valaisans qu'en cas d'urgence vitale. Mais la situation s'est encore aggravée ces derniers jours.

    >> Relire : Mathias Reynard: "On ne se rend aux urgences que quand c'est extrêmement grave"

    Selon les informations de la RTS, au moins 375 patients sont actuellement hébergés dans les hôpitaux romands alors qu'ils n'auraient plus besoin d'être hospitalisés. Un nombre loin d’être exhaustif, puisque seuls sept hôpitaux romands (dont le CHUV et les HUG) ont été contactés. Cette situation inquiétante est due au manque de places dans les institutions adaptées, telles que les EMS.

    Claire Charmet, présidente du collège des directions du Réseau hospitalier neuchâtelois, explique au micro de La Matinale de mardi que "l'hôpital a un rôle d'amortisseur pour l'ensemble du réseau", ce qui "oblige à recréer des places d'urgence au moment des pics hivernaux".

    Manque de places

    Dans le canton de Vaud, 600 personnes sont en attente d'une place d'hébergement adaptée, selon les estimations. C'est pour cela que l'Etat a élaboré sa stratégie intitulée "Vieillir 2030".

    Le canton de Neuchâtel, où 10% des lits sont occupés par ces patients, change sa stratégie. S'il avait amorcé une politique de fermeture des lits d'EMS, il veut maintenant créer 900 lits d'ici 2035, en plus des soins à domicile ou des appartements avec encadrement. Une première étape devrait permettre de dégager 60 places dès 2027. Selon Claire Charmet, cette forte demande dans le canton de Neuchâtel est liée "à la démographie". "La population y est plus âgée et plus isolée que dans les autres cantons."

    >> Ecouter ses propos dans La Matinale :

    L'invitée de La Matinale (vidéo) - Claire Charmet, présidente du Réseau hospitalier neuchâtelois
    Les hôpitaux suisses débordés par des patients en attente d’EMS, itw Claire Charmet / La Matinale / 1 min. / mardi à 06:19

    En attendant la réalisation de ces projets, la situation actuelle est appelée à se répéter pendant un moment. Une cellule de crise a d'ailleurs été mise sur pied en fin d'année dans le cadre du Réseau Santé Haut-Léman avec les acteurs concernés en quête de solutions, dont l'hôpital Riviera-Chablais.

    Pas d'engorgement dans l'hôpital du Jura

    Néanmoins, tous les hôpitaux ne sont pas dans la même situation. L'hôpital du Jura, lui, s'en sort mieux car il a mis en place ces dernières années une solution qui permet d'éviter l'engorgement des services avec une unité dédiée aux personnes en attente d'un placement.

    Située à Porrentruy, elle est modulable en fonction des besoins et permet à l'hôpital de ne pas avoir de difficultés avec les "lits C".

    Sujets radio: Deborah Sohlbank, Mehdi Piccand, Valérie Hauert

    Article web: Julie Marty

    Publié Modifié

    "Mieux évaluer" et "anticiper" pour éviter un engorgement des hôpitaux

    Interrogé dans La Matinale, Jean-Luc Andrey, président de l’Héviva, l'association professionnelle vaudoise des institutions médico-psycho-sociales, constate que "ça fait longtemps que les EMS sont pleins" et cela s'explique par leur mode de fonctionnement. "On veut qu'ils soient complets en permanence, donc nous attendons toujours qu'un lit se libère pour pouvoir l'utiliser pour un nouveau résident."

    Mais il n'est pas prévu, à moins d'être "vraiment dans l'obligation", selon ce directeur d'un EMS, de revenir aux chambres partagées entre deux et trois pensionnaires pour augmenter plus facilement le nombre de places. "Ce n'est absolument pas souhaitable pour des raisons éthiques et sociétales", justifie-t-il, car "les personnes qui viennent en EMS aujourd'hui souhaitent vraiment avoir une chambre à un lit, une sphère privée pour elles". D'autant que désormais, "le canton insiste, voire oblige, sur la construction d'EMS avec des chambres à un lit".

    Jean-Luc Andrey évoque d'autres limites à la création de lits liée à la construction de nouveaux EMS: la durée de construction qui est actuellement de "dix ans pour un nouvel EMS"; le peu de surface à disposition sur le territoire, sachant que tous les établissements existants ont déjà été agrandis; et le manque de personnel. "Parfois on est en attente pendant six mois, voire une année avant de pouvoir exploiter ces lits par manque de personnel, personnel soignant prioritairement."

    Pour contrer cela, l'invité de la RTS évoque le programme vaudois InvestPro qui cherche des solutions pour "revaloriser les professions et permettre de meilleures conditions de travail". Mais "nous ne sommes qu'au début et ça va prendre du temps à se mettre en place", poursuit-il.

    >> Ecouter son interview :

    La situation financière des hôpitaux universitaires est extrêmement difficile. [Keystone]Keystone
    L’engorgement des lits d’hôpitaux, conséquence d'un manque de places en EMS: interview de Jean-Luc Andrey / La Matinale / 6 min. / mardi à 07:18

    Toutefois, plusieurs options sont sur la table des discussions de la cellule de crise du Réseau Santé Haut-Léman pour éviter l'engorgement des hôpitaux. Jean-Luc Andrey parle de "séjours d'évaluation, d'observation" de résidents en EMS afin "d'évaluer la pertinence" du recours à ce type d'établissement dans leur cas ou comment permettre leur retour "à domicile". Un autre objectif de ces discussions est d'"éviter le passage à l'hôpital", grâce notamment à "une structure renforcée à domicile avec des soins".

    "L'anticipation" est de mise pour résoudre cette situation d'engorgement des hôpitaux, conclut-il. "Plus les personnes se préparent en amont à une probabilité d'entrée en EMS, moins on passerait par ces situations de crise (...) Donc on ne peut que préconiser un meilleur travail d'évaluation en amont de toutes ces situations".

    >> Pour aller plus loin, lire également : Toujours plus de demandes pour des places en institutions médico-sociales