Antalgiques opioïdes: le risque de dépendance existe aussi en Suisse

Attention aux médicaments opioïdes. [Depositphotos - nata.karjala.yandex.ru]
Traitements à base de médicaments opioïdes: prudence / On en parle / 9 min. / hier à 08:35
La Suisse figure au deuxième rang mondial de la consommation d'opioïdes par habitant, comme le fentanyl et le tramadol. Face aux risques d'usage inapproprié et de dépendance, Unisanté lance une campagne de sensibilisation dans les cantons de Vaud et de Fribourg pour améliorer la sécurité des traitements et renforcer le rôle de prévention des pharmacies.

Les opioïdes sont des médicaments anti-douleur à base d'opium. Leurs effets sont puissants et soulagent par exemple après un accident, une opération lourde ou lors d'un traitement contre le cancer, mais le risque de dépendance est réel.

Si les Etats-Unis vivent depuis des années une crise sanitaire avec plus de 100'000 décès par an attribués aux opioïdes, la Suisse doit, elle aussi, faire attention: la prescription d'opioïdes forts dans notre pays a augmenté de 88% entre 2008 et 2018 selon une étude menée par la SUVA. De plus, en matière de consommation d'opiacés par habitant, le pays est passé du septième rang mondial en 2015, au deuxième rang en 2019.

Face à ce constat, le Centre universitaire de médecine générale et santé publique à Lausanne Unisanté, soutenu par Promotion Santé Suisse, lance une campagne de sensibilisation dans les pharmacies des cantons de Vaud et de Fribourg. Le projet se nomme DépandAntalgie. Il vise à "prévenir l'usage inapproprié des antalgiques opioïdes". Ce projet vise à atteindre à la fois les patients et les pharmaciens, à travers des flyers et des formations.

Non opioïdes, opioïdes faibles et opioïdes forts

Les médicaments qui réduisent la douleur se nomment antalgiques. "Il y a les antalgiques qui sont non opioïdes, c'est-à-dire les médicaments anti-douleur que la plupart des gens connaissent comme le paracétamol et les anti-inflammatoires", explique Jérôme Berger, pharmacien chef d'Unisanté, dans l'émission On en parle. "Si ces traitements ne suffisent pas pour soulager la douleur, on va passer aux opioïdes dits ‘faibles', comme la codéine et le tramadol. Ce dernier est fréquemment prescrit: environ 800'000 emballages sont délivrés chaque année en Suisse."

Et si cela ne suffit toujours pas? "On va passer à des opioïdes forts, des médicaments qui sont légalement considérés comme des stupéfiants. Il faut une ordonnance spéciale pour les prescrire et dans les pharmacies, on les stocke dans un coffre-fort. La molécule la plus connue est la morphine, mais il y a aussi l'oxycodone ou le fentanyl."

Addiction et dépendance

Jérôme Berger tient à préciser la différence entre addiction et dépendance. "Aux Etats-Unis, le fléau est l'addiction. C'est un phénomène psychologique où la personne va chercher à consommer la substance tout en étant consciente du risque qu'elle représente. La dépendance est un phénomène physiologique, qui se développe en prenant ces traitements durant une longue période. En oubliant de prendre une dose par exemple, des symptômes de manque apparaissent. Elle peut se manifester par de l'agitation, des tremblements, le nez qui coule, des diarrhées. La personne va prendre des médicaments non plus pour soulager la douleur, mais pour soulager ce manque."

A quoi faut-il être attentif quand on entame un traitement? "En tant que pharmacien, je rappelle toujours aux patients qu'il faut faire attention à la prise et la gestion de ces médicaments. On se retrouve vite avec 4 à 5 médicaments différents à prendre pour traiter sa douleur, parce qu'on va avoir un antalgique non opioïde, un opioïde de base, un opioïde de réserve. Au bout d'un moment, les gens se perdent avec leur traitement. C'est là que les symptômes de manque apparaissent. Il faut absolument en parler avec son pharmacien ou son médecin", conclut Jérôme Berger.

Sujet radio: Isabelle Fiaux

Adaptation web: Myriam Semaani

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