Résumé de l’article

  • Les nouveaux médicaments comme Ozempic révolutionnent le traitement du diabète et de l'obésité, avec des effets potentiels sur d'autres maladies.
  • Ces traitements permettent une perte de poids deux fois plus importante que les méthodes traditionnelles, selon le directeur de l'Institut de médecine globale de Genève.
  • Le marché est dominé par Novo Nordisk et Eli Lilly, mais d'autres laboratoires se lancent dans la course aux traitements anti-obésité.
  • L'obésité touche 890 millions d'adultes dans le monde et coûterait 2000 milliards de dollars par an, soit l'équivalent du PIB de l'Italie.
  • La révolution Ozempic ou la ruée vers les nouveaux traitements pour perdre du poids

    Geopolitis
    Piqûre miracle ? / Geopolitis / 26 min. / demain à 13:11
    Ozempic, Mounjaro, Wegovy ou Zepbound, ces nouveaux médicaments ont révolutionné la prise en charge du diabète et de l’obésité et pourraient même être bénéfiques pour d'autres maladies. Un succès mondial fulgurant, convoité par les laboratoires du monde entier, avec son lot de dérives.

    Des piqûres pour maigrir, vantées par des milliers d’anonymes sur les réseaux sociaux. Ces traitements étaient réservés à l'origine aux diabétiques. L'effet sur la perte de poids a été découvert un peu par hasard. Mimant une hormone intestinale, appelée GLP-1, ces médicaments ralentissent la digestion et diminuent la sensation de faim. Pour traiter l’obésité, actuellement deux traitements comportant ces analogues du GLP-1 ont le vent en poupe: le Wegovy, qui comporte la même molécule que l’antidiabétique Ozempic, mais davantage dosé, et le Zepbound, qui comporte la même substance active que l’antidiabétique Mounjaro.

    "Ces produits-là sont ce qu'on appelle en anglais des game changers, précise Antoine Flahault, directeur de l'Institut de médecine globale de l'Université de Genève. "Cela change la règle du jeu, en particulier pour le traitement de l'obésité et du diabète, mais également pour un certain nombre d'autres pathologies."

    "Avec l'activité physique et l'alimentation, on peut espérer, quand on est vraiment assidu et observant, perdre 5 à 10% de son poids. C'est pratiquement le double que l'on peut espérer avec ces produits", poursuit-il dans l'émission Géopolitis.

    Course à la "piqûre miracle"

    Malgré une production frénétique, la demande de ces médicaments dépasse largement l’offre. Deux entreprises pharmaceutiques dominent actuellement ce marché des analogues du GLP-1 : le danois Novo Nordisk et l'américain Eli Lilly se livrent une bataille féroce. Rien que pour le premier semestre de 2024, les ventes cumulées d’Ozempic et de Wegovy se sont élevées à près de 11 milliards de dollars. Zepbound et Mounjaro ont rapporté près de 7 milliards de dollars.

    Novo Nordisk est la première capitalisation boursière européenne. [RTS - Géopolitis]
    Novo Nordisk est la première capitalisation boursière européenne. [RTS - Géopolitis]

    D'autres laboratoires se lancent dans la course, dont les géants Roche, Pfizer et AstraZeneca. L'entreprise californienne Viking therapeutics est également très avancée et ambitionne de concurrencer Eli Lilly. Ces cinq prochaines années, les analystes prévoient l’arrivée d’une quinzaine de nouveaux traitements. Sans compter que la Chine et l'Inde se profilent déjà sur le marché des génériques. Les brevets de l’Ozempic et du Wegovy y expirent en 2026. "Aujourd'hui, il y a déjà de très gros groupes chinois qui sont sur les rangs et qui commencent à avoir tout le savoir-faire pour produire. Le jour où le brevet tombera, on verra les génériques inonder le marché", prédit Antoine Flahault.

    Novo Nordisk et Eli Lilly continuent d'investir massivement dans la recherche pour développer de nouvelles molécules et injectent des milliards dans de nouvelles chaînes de production. Le PDG de Novo Nordisk Lars Fruergaard Jørgensen affirme que depuis le début de l'année dernière, son groupe a engagé pas moins de 30 milliards de dollars pour augmenter la capacité de production.

    D’autant que ces produits pourraient avoir de potentiels nouveaux débouchés : des études cliniques — parfois encore très préliminaires — ont indiqué des résultats prometteurs dans des pathologies cardiovasculaires, rénales, hépatiques, l'apnée du sommeil ou des maladies neurodégénératives comme Parkinson ou Alzheimer. Ces traitements semblent même être efficaces contre les addictions: l’entreprise Eli Lilly a récemment annoncé vouloir tester son efficacité dans la dépendance à la nicotine et à l’alcool. 

    L'obésité a plus que doublé en 30 ans

    Le nombre de personnes obèses a plus que doublé depuis les années 1990. [RTS - Géopolitis]
    Le nombre de personnes obèses a plus que doublé depuis les années 1990. [RTS - Géopolitis]

    Rien que pour traiter l'obésité, le potentiel est considérable. En 2022, 2,5 milliards d’adultes dans le monde étaient en surpoids, dont 890 millions souffraient d’obésité. Il s'agit d'un enjeu capital de santé publique et aussi un enjeu économique. Selon une étude du cabinet de conseil McKinsey, l’obésité coûterait chaque année au niveau mondial 2000 milliards de dollars. C’est l’équivalent du PIB de l’Italie ou du Brésil.

    Or ces nouveaux traitements anti-obésité ne sont pour l'instant commercialisés que dans une poignée de pays, une quinzaine, essentiellement en Europe, dont la Suisse, en Amérique du Nord et en Chine depuis cette année. Les prix varient fortement: aux Etats-Unis, le coût de ces médicaments peut dépasser les 1300 dollars par mois, presque neuf fois plus qu'en Allemagne par exemple. 

    Il ne faut pas le proposer juste pour rentrer dans son maillot de bain

    Antoine Flahault, directeur de l'Institut de médecine globale de l'Université de Genève

    L'obésité est considérée par l'OMS comme une maladie chronique, mais ces médicaments ne sont pas remboursés dans tous les pays du monde. "En Suisse, le Wegovy contre l'obésité est remboursé pendant trois ans seulement", souligne Antoine Flahault qui précise que ces types de traitements devront être prescrits "probablement pour une longue durée" pour être efficaces sur le long terme.

    Pour lui, le plus important est que tous ceux qui en ont besoin puissent bénéficier de cette avancée thérapeutique. Le médecin alerte par ailleurs sur le mésusage de ces médicaments produits en quantité limitée. "Il faut, en effet, ne pas le proposer juste pour rentrer dans son maillot de bain (...) Je crois qu'avec tous les stocks qu'on a aujourd'hui, on pourrait traiter 10% de la population obèse nord-américaine."

    A l'instar des Etats-Unis ou de l'Australie, les pays du Golfe ont des taux d’obésité parmi les plus élevés du monde. En Arabie saoudite, comme dans d’autres pays qui n’ont pas accès au traitement anti-obésité, une partie de la population se tourne vers la version anti-diabétique déjà disponible dans le pays. Un phénomène qui aggrave la pénurie de traitements pour les diabétiques.

    Des effets secondaires?

    Ozempic est commercialisé depuis 2017 aux Etats-Unis, Mounjaro depuis 2022. Le recul sur les effets secondaires de ces traitements reste donc encore limité. Encore plus dans leur version anti-obésité. Mais Antoine Flahault relève les nombreuses recherches effectuées qui ne montrent pas "pour le moment, des effets indésirables très graves." "On n'a pas aujourd'hui de grands doutes ou de grandes questions sur le profil du risque de ces produits", ajoute-t-il. Parmi les effets secondaires les plus fréquents figurent des troubles gastro-intestinaux, notamment des nausées, des vomissements et davantage de risques de développer une inflammation du pancréas.

    Les nouvelles études conduiront éventuellement à des réévaluations du rapport bénéfices/risques de ces produits (...) sans remettre nécessairement en question l’intérêt de ces molécules dans le traitement du diabète et de l’obésité

    Antoine Flahault, directeur de l'Institut de médecine globale de l'Université de Genève

    Tout récemment, les autorités danoises ont demandé aux autorités européennes de réévaluer un effet secondaire potentiel, très rare, suite à deux études qui ont mis en évidence un risque plus élevé de développer une neuropathie optique ischémique antérieure non artéritique (NOIAN). Cette pathologie est l'une des causes de cécité chez les diabétiques. Selon Antoine Flahault, ces nouvelles études "conduiront éventuellement à des réévaluations du rapport bénéfices/risques de ces produits, parfois à des restrictions d’emploi chez certaines personnes (...) sans remettre nécessairement en question l’intérêt de ces molécules dans le traitement du diabète et de l’obésité."

    Les autorités sanitaires de plusieurs pays mettent aussi en garde les utilisateurs contre l'usage de produits non réglementés. Ces médicaments ont un tel succès, que les contrefaçons se multiplient à leur tour. L'OMS a émis une alerte cette année contre des falsifications d'Ozempic en circulation au Brésil, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Swissmedic mettait aussi en garde l'an dernier contre l'utilisation de faux injecteurs d'Ozempic repérés en Allemagne.

    >> Revoir le sujet de Mise au point sur l'Ozempic :

    L’injection pour maigrir
    L’injection pour maigrir / Mise au point / 12 min. / le 17 mars 2024

    Mélanie Ohayon, Natalie Bougeard

    Publié