Selon l'Office fédéral de l'Environnement (OFEV), 40% des espèces d'insectes sont menacées d'extinction en Suisse et 11% d'espèces supplémentaires sont partiellement menacées.
Et, selon une recherche menée par des scientifiques allemands dans plusieurs zones protégées, les populations d’insectes volants ont diminué de 75% en trente ans. Si ces chiffres s’appliquent à l’Allemagne, il est peu probable que la situation soit moins alarmante en Suisse, estiment les spécialistes.
Développement économique extrême
Face à l’importance de ces animaux pour l’équilibre biologique, le monde scientifique s'inquiète de la menace croissante qui pèse sur les insectes. Afin d'évoquer les voies à privilégier pour inverser la tendance, des experts se sont réunis ce jeudi à Aarau (AG) pour un premier congrès suisse dédié aux insectes.
Pour Christian Monnerat, d'info fauna, ces chiffres s’expliquent par le développement de la Suisse depuis le milieu du vingtième siècle. "Depuis les années 50, on a connu un développement économique extrême en Suisse: le développement des agglomérations et le développement des infrastructures routières notamment. On a aussi vu une intensification des pratiques agricoles ainsi qu'une logique productiviste au niveau forestier. Cela a eu une influence importante sur la diversité des insectes", constate-t-il samedi dans le 19h30 de la RTS.
Premières victimes, les oiseaux
La raréfaction du volume d’insectes en Suisse se répercute directement sur les oiseaux. Les spécialistes enregistrent un recul massif des tariers des prés, des perdrix grises ou encore des alouettes des champs.
Werner Müller, directeur de l’Association Birdlife Suisse, le confirme: "Le nouvel atlas des oiseaux nidificateurs montre une baisse drastique des insectivores en zones agricoles alors que les insectivores forestiers sont stables, voire en légère augmentation. Cela montre que nous avons un grand problème dans l'agriculture, notamment à cause des pesticides."
Renforcer la biodiversité
Pour inverser la tendance, l'une des solutions préconisées est le renforcement des zones de biodiversité. Si chacun peut y contribuer dans son jardin en favorisant des zones sauvages, l'agriculteur bio Thomas Baumann en a fait son credo. Il consacre à Suhr, dans le canton d'Argovie, 70% de ses terres à la biodiversité.
Pour ce faire, l'agriculteur a multiplié le nombre de haies, de tas de pierre ou de jachères florales. Ces espaces sont très appréciés des insectes car ils leur servent de sites d'hivernage. "Les herbes hautes, par exemple, sont truffées de chenilles, d’oeufs ou de larves d'insectes, qui se préparent à passer l'hiver. Si on rase ces herbes, on ôte aussi tous les insectes qui naîtraient au printemps prochain", juge-t-il.
L'Argovien a également réalisé des petites collines de sable qu'il nomme des hôtels à abeilles sauvages: "Les oeufs d’abeilles sauvages sont pondus dans le sable. Pour garantir le bon développement des larves, il faut de la chaleur. Il est donc important de veiller à enlever régulièrement l'herbe qui pousse sur le sable, afin de maintenir de nombreuses surfaces ouvertes, directement exposées au soleil."
Selon cet agriculteur, contribuer à la biodiversité est également financièrement attractif, puisque ces démarches lui permettent de toucher des paiements directs.
Noémie Guignard/boi