Dans une fourmilière, des milliers d'individus vivent en promiscuité. Cette densité et les contacts fréquents entre individus sont favorables aux épidémies. Mais les fourmis sont capables de réagir lorsqu'un microbe entre dans la fourmilière, indiquent des chercheurs de l'UNIL dans une étude parue jeudi dans la revue Science.
"C'est immédiat, elles sont capables de détecter le pathogène tout de suite et de répondre. Les fourmis infectées vont s'isoler, les autres vont essayer de les soigner et les aider à se débarrasser des champignons, et elles vont aussi se réorganiser entre elles pour diminuer la transmission dans la colonie", affirme Nathalie Stroeymeyt, auteure de l'étude.
Protéger le cœur de la colonie
La biologiste a étudié 22 colonies d'une espèce commune, la fourmi noire des jardins. Chacun des 2266 individus a été identifié à l'aide d'un marqueur digital. Des photos prises toutes les demi-secondes ont permis d'enregistrer les déplacements et les contacts entre les animaux en présence d'un pathogène, en l'occurrence des cellules de champignons.
Les résultats sont formels: les insectes changent leur comportement une heure seulement après l'infection de la première ouvrière. Les échanges des fourmis infectées diminuent de manière à protéger le coeur de la colonie, soit la reine et les jeunes.
"Les jeunes ouvrières sont plus importantes, car elles ont encore beaucoup d'heures de travail à offrir à la collectivité. S'il y a des risques de contamination, les fourmis les font courir aux individus âgés qui arrivent en fin de vie. Ainsi, elles vivent en moyenne un petit peu plus longtemps", explique Nathalie Stroeymeyt.
Les biologistes ont d'ailleurs pu confirmer que la mortalité était effectivement plus élevée parmi les fourragères, plus âgées et spécialisées dans la quête de nourriture, que parmi les nourricières, restées à proximité de la reine et du couvain. Les reines ont quant à elles toutes survécu.
70 millions d'années d'avance sur l'être humain
Cette stratégie de lutte contre les épidémies s'ajoute à d'autres comportements déjà connus chez les fourmis pour se protéger contre les maladies. Dans la colonie, les insectes séparent les activités propres des sales en créant cimetière et déchetterie, comme chez les êtres humains.
La seule différence, relève le directeur du Département d'écologie et évolution à l'UNIL Laurent Keller, "c'est que les fourmis font cela depuis 70 millions d'années".
Aurélie Coulon/fme