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"Wild Immersion", quand réalité virtuelle et vie sauvage se tutoient

Une image tirée du film de réalité virtuelle "Wild Immersion". [DR]
Sensibiliser à la protection des animaux via la réalité virtuelle / Tout un monde / 7 min. / le 7 décembre 2018
"Wild Immersion", un concept réunissant trois films de réalité virtuelle, propose une immersion au plus près des animaux sauvages. L'idée est de susciter l'empathie du public pour ces espèces et de soutenir la création de réserves.

Le Parisien Adrien Moisson, ex-publicitaire de 42 ans, affirme avoir pris conscience qu'il "alimentait la société de surconsommation". Ce virage le conduit à réaliser trois films de réalité virtuelle destinés à sensibiliser le grand public à la protection des animaux sauvages. Pour rappel, les scientifiques font état d'une sixième extinction de masse en cours: entre 1970 et 2014, les vertébrés sauvages ont diminué de 60% sur Terre.

>> Lire : L'extinction de masse des animaux s'accélère, selon des scientifiques

Pour entrer dans cette expérience, il faut mettre sur les yeux un casque de réalité virtuelle, qui plonge le spectateur dans l'un des trois courts-métrages du concept "Wild Immersion", ou immersion sauvage.

"Développer l'empathie et l'émerveillement"

"Le but est d'apporter les animaux et la nature sauvage directement dans les villes, pour que les gens se reconnectent à cela et aient envie de les protéger", explique Adrien Moisson. "L'objectif est de développer leur empathie et leur émerveillement, pour qu'ensuite ils puissent agir par eux-mêmes."

Pour défendre son concept, Adrien Moisson met également en avant une expérience "impossible dans la vraie vie": "Les gens qui essaient l'immersion disent que c'est beaucoup mieux que le zoo, parce que les animaux sont beaucoup plus près, dans leur environnement naturel, et aussi beaucoup moins tristes qu'au zoo."

Que reste-t-il de cette expérience quand on pose son casque? On veut sensibiliser, mais on sensibilise sur quelque chose de faux.

Laurent Dormond, spécialiste des nouvelles technologies

Mais son concept ne fait pas l'unanimité sur tous les points. Laurent Dormond, spécialiste des nouvelles technologies, salue "des films très bien ficelés et réalistes", mais appelle également à une certaine prudence.

"Ce qui me fait un peu peur avec cette expérience, c'est qu'effectivement, on donne l'occasion aux spectateurs d'être au plus proche de la savane. Mais que reste-t-il de cette expérience quand on pose son casque?", s'interroge-t-il. "On veut sensibiliser, mais on sensibilise sur quelque chose de faux."

Et de rappeler que les expériences virtuelles laissent peu de traces sur les utilisateurs. "On les oublie aussi vite qu'on les a faites. Et jusqu'à nouvel avis, jusqu'à aujourd'hui, la technologie n'est pas vraiment vecteur d'émotions humaines."

Que vous soyez à côté d'un félin ou d'un pachyderme, il y a son odeur caractéristique, qui s'imprime dans vos circuits et nourrit votre imaginaire.

Daniel Cherix, biologiste

Le zoologiste Daniel Cherix est lui aussi emballé par l'idée de "Wild Immersion", mais souligne une limite à l'expérience. "Quelque chose manquera toujours: l'odeur. Que vous soyez à côté d'un félin ou d'un pachyderme, il y a une odeur caractéristique, qui s'imprime dans vos circuits et nourrit votre imaginaire."

Pour l'expérience sensitive, les créateurs de réalité virtuelle sont déjà au travail, précise Laurent Dormond. "La limite technique actuelle de la réalité virtuelle, c'est le visible. Mais les technologies évoluent très vite, et on est déjà en train de penser à la suite, par exemple le toucher avec des gants haptiques, qui permettent de ressentir réellement des objets virtuels. Alors pourquoi ne pas imaginer la texture de l'animal, dont la sensation pourra être amenée par du matériel?"

Technologie adaptée aux animaux

Les tournages de ces films immersifs ont eu lieu dans trente pays différents, avec une technologie adaptée aux animaux.

"Nous avons adapté nous-mêmes nos caméras et drones, en les rendant tout petits", explique Adrien Moisson. "L'avantage, c'est qu'on peut maintenant s'approcher très près des animaux, sans que cela ne les dérange."

Le réalisateur relate également le besoin d'adapter sa méthode au type d'animal filmé. "C'est complètement différent de travailler avec des prédateurs ou des proies. Pour ces dernières, il faut cacher les caméras afin qu'elles ne se sentent pas menacées, alors que pour les prédateurs, il s'agit au contraire de protéger le matériel. On s'est déjà fait manger des caméras par un ours et par un lion, et on s'est fait écraser deux caméras par des éléphants."

Les recettes du concept "Wild Immersion" soutiendront à hauteur de 3% des réserves créées en Inde et en Tanzanie. Les films sont à découvrir actuellement dans les cinémas Pathé de Paris, et à Zurich dès le 15 janvier 2019.

Natacha Van Cutsem/kkub

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