Le gouvernement a immédiatement affirmé que le projet de loi ne
serait pas supprimé mais seulement retardé et que le texte serait
de nouveau soumis au parlement dès le 28 avril, après les vacances
de Pâques. Le chef des députés UMP (droite au pouvoir)
Jean-François Copé a pour sa part reconnu "un petit loupé".
A main levée et en l'absence de la grande majorité des députés
(577 au total), l'Assemblée nationale a rejeté par 21 voix contre
15 le projet de loi alors qu'il avait déjà été voté par le Sénat
(chambre haute). Une partie de la majorité UMP a voté pour, mais
deux députés de la majorité ont voté contre avec l'opposition, qui
dénonce un dispositif portant atteinte, selon elle, aux libertés et
à la vie privée.
Interprétations contradictoires
Les opposants dénonçaient notamment le durcissement du texte
sous la pression du Sénat. Une vraie "double-peine" selon eux,
puisque le projet de loi prévoyait l'obligation pour le "pirate" de
payer son abonnement pendant la coupure qui peut aller de deux mois
à un an.
L'opposition estime que ce système de sanctions n'apportera aucun
revenu supplémentaire aux artistes et qu'il défend les seuls
intérêts des majors du disque.
Faux, dit le gouvernement, soulignant que la plupart des maisons
de disque sont des petits labels indépendants de moins de 20
salariés. Il défend son projet qui ferait de la France le premier
pays européen à faire appliquer par la loi des coupures d'accès à
internet.
La Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI)
a estimé que le texte français devait être "un exemple pour le
reste du monde".
Artistes partagés
Les artistes sont partagés. Fin mars, près d'une quarantaine de
cinéastes, parmi lesquels Cédric Klapisch, Bertrand Tavernier ou
Costa-Gavras avaient plaidé pour le projet. Mais dans une tribune
publiée début avril, 13 personnalités du cinéma dont Catherine
Deneuve, Victoria Abril ou encore Chiara Mastroianni, ont demandé
l'abandon du projet qui impose "un mécanisme de sanctions à la
constitutionnalité douteuse et au fonctionnement fumeux".
"La France est le seul pays au monde à vouloir encore expérimenter
une loi qui prévoit la sanction la plus dure, à savoir la coupure
totale d'accès à internet", a déclaré à l'AFP la Fédération
française des Télécoms, qui regroupe les fournisseurs d'accès
internet, prônant plutôt le recours à des amendes.
afp/cer/sbo
Quelle législation à l'étranger?
La Nouvelle-Zélande, qui avait adopté une loi en ce sens en février, a dû reculer et reporter son application, face à la colère des internautes.
L'Union européenne n'a pas de législation spécifique en matière de lutte contre le piratage en ligne des contenus culturels, seulement une obligation générale pour les Etats membres d'assurer la protection du droit d'auteur, quel que soit le moyen de reproduction.
En Grande-Bretagne, les fournisseurs d'accès ont signé un accord en juillet avec l'industrie du disque prévoyant l'envoi de messages d'avertissement mais sans sanction à la clef.
En Allemagne, une loi en vigueur depuis début 2008 prévoit des amendes jusqu'à 10'000 euros pour chaque film ou musique téléchargés mais s'est révélée difficilement applicable.
Aux Etats-Unis, après de nombreux procès contre les "pirates" internet, l'industrie américaine du disque s'est rapprochée des fournisseurs d'accès dont certains prévoient dans leur contrat des coupures d'accès.