"Time Machine" ("machine à remonter le temps", ndlr.) fait partie des six projets retenus par la Commission européenne pour toucher un jackpot d'un milliard d'euros (1,1 milliards de francs) de financement. L'idée est d'utiliser l'intelligence artificielle et la numérisation pour exploiter l'héritage culturel européen et pour donner un libre-accès au passé de l'Europe: une sorte d'ovni parmi les projets en course.
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D'ailleurs, se pencher sur le patrimoine culturel, "ce n'était même pas admissible au départ comme sujet", relate Frédéric Kaplan, professeur en humanités digitales à l'EPFL et coordinateur de "Time Machine", interrogé mardi dans La Matinale de la RTS.
Technologies et culture, une "intersection-clef"
"On s'est battus en 2016 pour dire qu'il y avait quelque chose d'absolument clef dans cette intersection entre les nouvelles technologies et la culture, et qu'il fallait rendre possible la création de projets dans cette direction", ajoute-t-il.
Les responsables du projet "Time Machine" et leurs partenaires ont donc décidé d'aller frapper à la porte européenne, "même si les chances étaient faibles". Et la Commission européenne leur a octroyé un million d'euros qui serviront à préparer le dossier.
"Replonger internet dans le temps"
"C'est un enjeu important, car vous avez deux continents qui sont en train de se séparer depuis 10-20 ans: l'information numérique, extrêmement dense, et le passé, avec énormément d'information. Mais, plus on attend, plus ces informations deviennent incompatibles avec toute la logique de l'internet aujourd'hui. Alors il faut replonger l'internet dans le temps", détaille Frédéric Kaplan.
Le chercheur précise toutefois que "Time Machine" n'est pas un "projet muséographique, ni de jeu vidéo". Il évoque un "big data du passé", qui permettrait "de prendre de meilleures décisions", notamment "sur la démocratie, sur le futur de l'Europe".
"Si vous n'avez pas l'accès aux données du passé, n'importe quel récit simplificateur peut venir vous raconter que l'Europe, c'est une Europe des nations, ou uniquement un peuple de tel type (...). Le but, c'est que ces débats se fassent de manière documentée", estime-t-il.
"Neutralité dans l'accès"
L'intelligence artificielle peut-elle nous promettre une histoire impartiale? "Je ne pense pas, mais on peut espérer moins d'ignorance", répond Frédéric Kaplan. Pour lui, l'objectif de cette forme d'intelligence artificielle basée sur les données du passé est plutôt de "donner une forme de neutralité dans l'accès" aux données.
Propos recueillis par Chrystel Domenjoz
Adaptation web: Jessica Vial