"Chaque Etat est libre d'autoriser ou non la culture de cet
OGM", a toutefois précisé le commissaire européen chargé de la
Santé, le Maltais John Dalli, pour tenter d'atténuer la portée de
cette décision controversée. L'Italie et l'Autriche ont
immédiatement annoncé leur intention d'interdire la culture de ce
tubercule (lire ci-contre).
Bruxelles a aussi accepté la commercialisation en Europe à des
fins alimentaires de trois variétés de maïs transgéniques de la
firme Monsanto, des dérivés du MON 863, selon un communiqué de
l'exécutif européen. Une décision moins spectaculaire dans la
mesure où des produits OGM importés font régulièrement l'objet
d'autorisations pour le commerce.
Une patate en béton
La vraie nouveauté concerne l'autorisation de la pomme de terre
Amflora, un tubercule conçu par la firme BASF destiné à l'usage
industriel pour son amidon et à l'alimentation animale. La
Commission européenne n'avait plus donné son feu vert à une culture
OGM en Europe depuis 1998 et le maïs OGM de Monsanto, le MON
810.
La Commission européenne, à qui revenait la décision finale après
que les Etats de l'UE n'eurent pas réussi à se mettre d'accord,
s'est appuyée sur le fait que l'Agence européenne de sécurité des
aliments (AESA) a jugé que la pomme de terre ne posait pas de
problème pour la santé.
Le féculent est renforcé en amylopectine, un composant de l'amidon
utilisé par l'industrie pour fabriquer des textiles, du béton et du
papier.
Risque de dissémination décrié
Mais il contient aussi un gène marqueur de résistance aux
antibiotiques, ce qui lui vaut d'être critiqué depuis longtemps par
les défenseurs de l'environnement. Ces derniers s'inquiètent des
risques de dissémination du gène sur les autres plantes dans la
nature.
En outre, les défenseurs de l'environnement estiment que les avis
de l'AESA doivent être pris avec précaution car l'institution est
au coeur d'une polémique après l'embauche de son ancienne
directrice du département OGM, Suzy Renkens, par le groupe suisse
Syngenta, présent dans le secteur des organismes génétiquement
modifiés.
Plus de 30 millions pour BASF
Le groupe allemand a immédiatement salué cette décision. "La
voie est désormais libre pour une mise en culture commerciale cette
année", a déclaré un de ses responsables, Peter Eckes. BASF évalue
à entre 30 et 40 millions d'euros par an les revenus dégagés par
Amflora.
La culture sera proposée "aux pays prêts à l'utiliser", a précisé
BASF citant l'Allemagne, la Suède, les Pays Bas et la République
Tchèque. La France n'est pas concernée "dans l'immédiat".
La décision prise mardi est de nature à relancer le débat autour
de l'inocuité des produits OGM en Europe. L'autorisation de culture
du maïs génétiquement modifié MON 810 de Monsanto, est arrivée à
échéance il y a deux ans et n'a pas encore obtenu d'autorisation de
renouvellement.
agences/sbo
Un produit "inutile" et "dangereux"
Le ministre autrichien de la Santé, Alois Stöger, a annoncé vouloir légiférer "immédiatement" en vue d'une interdiction nationale de la pomme de terre génétiquement modifiée.
Le ministre italien de l'Agriculture a également critiqué mardi cette décision. "Le fait de rompre la prudence d'usage qui était respectée depuis 1998 est un acte qui risque de modifier profondément le secteur primaire européen. Non seulement, nous ne nous reconnaissons pas dans cette décision mais nous tenons à répéter que nous ne permettrons pas que cela remette en question la souveraineté des Etats membres en la matière", a déclaré Luca Zaia.
"Je suis choqué de voir que le commissaire à la Santé et à la protection des consommateurs, John Dalli, n'a eu besoin que de quelques semaines dans ses nouvelles fonctions pour exprimer un soutien aussi flagrant aux intérêts industriels", a estimé Martin Häusling, l'un des chefs écologistes européens.
"Des doutes sérieux persistent concernant les conséquences possibles sur la santé humaine et l'environnement", a ajouté l'élu, jugeant le feu vert de Bruxelles "au mieux inutile, et au pire dangereux".
"On est tous transformés en cobayes", a déploré Corinne Lepage, députée européenne française. Le président de la Commission européenne José Manuel "Barroso a fait un passage en force pour imposer les cultures OGM contre le public", a affirmé Lylian Le Goff, responsable du dossier OGM pour l'association France Nature Environnement (FNE).
"La France a le droit et le devoir de mettre en place une nouvelle clause de sauvegarde sur la culture de cette pomme de terre sur son territoire", a réagi de son côté Greenpeace.
Bruxelles défend sa décision
Les OGM sont un sujet extrêmement polémique dans l'Union européenne, en raison des craintes sur leurs effets possibles pour la santé et l'environnement.
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a profité du début de son deuxième mandat à Bruxelles pour clore le dossier de la pomme de terre de BASF qui avait empoisonné son premier mandat en suscitant la controverse.
Son ancien commissaire à l'Environnement, le Grec Stavros Dimas, aujourd'hui parti, était opposé à un feu vert à sa culture. Le dossier a été confié au nouveau commissaire chargé de la Santé et de la protection consommateurs, John Dalli.
Ce dernier s'est justifié mardi en indiquant que toutes les craintes en matière de santé avaient été "levées" par les études scientifiques. Il s'est dit favorable à une "innovation responsable" en matière de "technologies".