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La Grande-Bretagne veut interdire aux mineurs de "liker" sur les réseaux

La Grande-Bretagne pourrait interdire les "likes" sur les réseaux sociaux au moins de 18 ans pour lutter contre la dépendance.
La Grande-Bretagne pourrait interdire les "likes" sur les réseaux sociaux au moins de 18 ans pour lutter contre la dépendance. / 19h30 / 2 min. / le 25 avril 2019
Les autorités britanniques ont établi un catalogue assez strict de réglementations pour les jeunes utilisateurs des réseaux sociaux. Parmi elles, la désactivation des "likes" sur Facebook et Instagram ou des flammes sur Snapchat.

Les Britanniques de moins de 18 ans pourraient voir leur liberté diminuer drastiquement sur les réseaux sociaux, dans le but de combattre leur dépendance.

L'Information Commissioner's Office (ICO), l'autorité britannique en charge de la régulation de la vie privée en ligne, a rédigé un code de conduite consacré à la protection de la vie privée des moins de 18 ans: l'Age appropriate design code.

Des mesures en 16 points

Ce code de conduite en 16 points est adapté aux différentes tranches d'âge de l'enfance et de l'adolescence. Outre la désactivation des "likes", d'autres mesures sont envisagées, telles que la désactivation par défaut de la géolocalisation ou encore du profiling, la collecte d'informations pour des raisons publicitaires.

Pour les entreprises qui collectent des données sur le territoire britannique, il s'agit d'une prolongation au Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l'Union européenne. Les sociétés qui mépriseraient ce code s'exposent à une lourde amende, pouvant atteindre jusqu'à 4% de leur chiffre d'affaires.

Ce code de conduite doit encore être avalisé par le Parlement britannique: "Notre consultation se termine à la fin du mois de mai. Nous espérons pouvoir la déposer devant le Parlement au cours de l'été", explique à la RTS Elizabeth Denham, commissaire de l'ICO à Londres.

Restriction des libertés des jeunes

Du côté des jeunes, qui vivent parfois leur adolescence à travers le prisme de l'écran d'un smartphone, ces mesures peuvent être perçues comme liberticides. Un peu comme si, avant l'ère du digital, le gouvernement avait décidé d'un couvre-feu moral, en bridant les vélomoteur, les sorties entre copains, la soif de rock et de cinéma. Et tout ceci, au prétexte de mieux les protéger.

Pour Claire Balleys, professeure à la Haute école de travail social à Genève, le projet britannique peut s'avérer positif, mais insuffisant pour combattre la dépendance. "Oui, le politique peut entrer en jeu pour qu'il y ait une réflexion globale au niveau de la société. Mais cela ne devrait pas être ciblé sur les usages des jeunes".

Selon elle, le vrai progrès social est à fournir du côté de l'éducation: "Il faut que les jeunes soient informés de comment et pourquoi leurs données sont récoltées, quelles types d'informations et que sont les algorithmes qui permettent la publicité ciblée."

Redéfinir un modèle économique

En régulant les pratiques, le législateur britannique pourrait donc redéfinir le fonctionnement des réseaux sociaux. Et donc d'un modèle économique.

En Grande-Bretagne, des voix s'élèvent déjà pour mettre en garde: "Nous soutenons l'ambition de protéger les enfants. Mais nous devons faire attention aux conséquences, en particulier pour les services Internet aimés par les consommateurs et que les enfants utilisent aussi. Nous nous sommes donc engagés à travailler avec le gouvernement pour trouver le juste équilibre", affirme Daniel Dyball, directeur de l'Internet Association UK.

Un tel modèle destiné à réguler les réseaux sociaux pour les mineurs pourrait-il s'exporter en Suisse? Le conseiller national PLR valaisan Philippe Nantermod en doute: "Je crois que ce que fait la Grande-Bretagne aujourd'hui s'apparente à de la censure. La mesure-phare est d'interdire le bouton 'like' ou 'j'aime' sur les réseaux sociaux. En soi, on ne lutte pas contre la pornographie, la violence ou les drogues. C'est simplement une mesure étatique de ce qui est une éducation convenable pour les enfants".

Tout le monde se rejoint sur la volonté de lutter contre la dépendance. Mais il reste encore à qualifier cette addiction et définir à quel moment elle intervient.

>> Entretien avec le psychologue David Rudrauf sur la dépendance au "like" :

Les likes créent une dépendance au besoin fondamental de reconnaissance, selon le psychologue David Rudrauf
Les likes créent une dépendance au besoin fondamental de reconnaissance, selon le psychologue David Rudrauf / 19h30 / 2 min. / le 25 avril 2019

Thierry Clémence et Feriel Mestiri

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