La fourrure est duveteuse, le museau long et l'odorat précis. Ces animaux ne sont pas des simples rongeurs: ce sont des experts sur les traces d'explosifs.
Ces mammifères africains sont aussi nommés "cricétomes des savanes" ou "rats de Gambie", même si cette appellation est fausse: sur le plan biologique, ils ne font pas partie du genre Rattus, mais du genre Cricetomys. Ils peuvent peser de 1,5 à 2 kilos et vivre sept ans.
Une formation d'un an
Ces animaux, dont l'odorat parfait est inné, adorent apprendre: ils sont transformés en véritables détecteurs de mines antipersonnel dans un camp d'entraînement à leur taille. Chaque fois qu'un cricétome renifle une quantité – même minuscule – d'explosif, il reçoit une récompense.
La formation dure un an: une procédure qui peut paraître longue mais qui vaut la peine selon l'ONG Apopo qui travaille notamment au Cambodge: "Ce qui est intéressant avec les rats, c'est qu'ils vont droit au but et qu'ils repèrent directement les explosifs TNT", explique Benjamin Carrichon d'Apopo Cambodge. "Ils sont donc beaucoup plus efficaces que les détecteurs de métaux, qui réagissent à tout élément métallique. Ces animaux sont une solution très efficace car ils sont rapides et ne coûtent pas cher".
Une question de poids
Deux à trois millions d'explosifs se trouveraient encore au nord du Cambodge. Ce territoire est désormais passé au crible par une armée de rongeurs: dix d'entre eux reniflent le sol en alternance. Au bout d'une demi-heure, les animaux sont relayés par une nouvelle équipe pour éviter une baisse de concentration.
Pour les humains, assistants des rongeurs, un mauvais pas peut conduire à la mort; mais pour les cricétomes, aucun risque: "Ce n'est pas dangereux pour les animaux car il faut peser plus de cinq kilos pour activer une mine terrestre: les rats pèsent beaucoup moins", note Benjamin Carrichon.
Indispensables
Grâce au travail de ces démineurs à quatre pattes, des villages entiers peuvent être sécurisés.
Dans la région, plus de 64'000 habitants ont perdu la vie ces quarante dernières années à cause des explosifs enfouis. Khon Kuhn est riziculteur et a perdu une jambe: il fait partie des dizaines de milliers de personnes qui ont été mutilées: "Pendant longtemps, notre village a vécu avec la crainte de nouveaux drames", raconte l'agriculteur. "J'ai cinq fils et j'ai constamment vécu dans la peur. Le déminage avec les rats est un grand soulagement pour nous."
Sur un champ de mines, ce qui durerait trois à quatre jours avec un détecteur de métal ne prend qu'une demi-heure à ces rongeurs. Les animaux d'Apopo travaillent aussi en Angola, au Zimbabwe, en Colombie, au Mozambique, en Thaïlande, au Laos et au Vietnam.
D'ici 2025, l'objectif des Nations unies est un monde exempt de mines, un but auquel contribuent ces experts grâce au jeu de l'apprentissage et à l'affection de leurs soigneurs.
Sujet télévisé: ARD / Noémie Guignard, Goscha Grünenfelder
Adaptation web: Stéphanie Jaquet