La cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP), Karin Keller-Sutter, veut que certaines avancées scientifiques soient inscrites dans la loi fédérale sur les profils ADN. Le Parlement attend depuis 2016 une modernisation de ce cadre législatif.
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Le phénotypage
Une des technologies particulièrement utiles pour traquer les criminels, c'est le phénotypage: la caractérisation des traits apparents d'un individu qui sont présents dans son génotype. Bref, des indications plus précises sur le profil d'une personne: "Le phenotyping (en anglais) permet de voir un peu plus ce qui se trouve dans le profil ADN. Par exemple la probable couleur des cheveux, ou la probable couleur des yeux", explique Nicoletta Della Valle, directrice de l'Office fédéral de la police (fedpol), qui pilote la révision de loi en cours.
Autre indications probables obtenues grâce au phénotypage: l'âge, la couleur de peau, ou encore l'origine biogéographique.
Cette technique pourrait donc être très utile aux forces de l'ordre: "Dans des infractions graves où nous n'aurions pas d'autres informations et que l'enquête serait au point mort, le fait d'en savoir plus à partir d'une trace ADN permettrait peut-être, dans le cadre de certaines enquêtes, d'avancer", selon Nicola Albertini, le chef de la section forensique de la police cantonale vaudoise. "Il n'y a pas de garantie qu'on puisse trouver un suspect, mais on ne veut pas se priver d'informations qui pourraient faire avancer une enquête".
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Quid de la protection des données?
Qui dit exploitation plus étendue de l'ADN d'une personne dit aussi crainte quant à la protection de la sphère privée. Adrian Lobsiger, le préposé fédéral à la protection des données, exprime certaines craintes: "C'est d'une grande imprécision technologique: par exemple, les cheveux peuvent manquer ou être teints. Il y a donc un risque que des innocents soient soupçonnés".
Le préposé exige un usage proportionné de cette nouvelle technique. Une recommandation que les forces de police promettent de suivre:"Le phénotypage sera utilisé quand une analyse classique des traces d'ADN n'a rien donné, insiste Nicola Albertin. "Cette méthode sera appliquée pour des infractions graves, des agressions ou des homicides, et non pour des infractions routinières. De plus, une autorité supérieure, un magistrat ou le tribunal des mesures de contrainte, devra autoriser ce type d'analyse". Et ces analyses du phénotype "ne seront pas enregistrées dans une base de données", précise encore Nicoletta Della Valle.
Actuellement les polices cantonales ne peuvent que comparer l'ADN récolté avec la banque nationale de profils connus – la banque ADN CODIS : une base de données riches de 194'000 profils ADN de condamnés ou d'accusés.
Si la police trouve des traces suspectes sur une scène de crime, elle les compare avec ces profils génétiques. En cas de correspondance, la police peut alors interroger le suspect.
Des prévisions sur l'apparence du suspect
Pour Vincent Castella, responsable de l'Unité de génétique forensique du Centre universitaire romand de médecine légale, le phénotypage est un réel progrès, car il permet de prévoir "l'apparence de la personne qui a laissé la trace. Il y a la couleur des yeux ou des cheveux mais, comme les connaissances du génome avancent rapidement, il y a de plus en plus d'informations qui sont disponibles pour faire ce genre de prévisions".
Ce généticien affirme que la technique sera "une sorte d'accélérateur": si, avec son enquête, la police isole une centaine de suspects, l'approche phénotypique "va permettre de se concentrer sur les cinq ou dix suspects qui sont le plus proche de la morphologie qui a été prévue par l'ADN".
Pour l'instant, il avoue que cette technologie a des limites en matière de précision. Mais il faudrait pouvoir l'utiliser et changer la loi dans ce sens: "Souvent, les témoignages visuels ne sont pas complètement objectifs, surtout si la personne était dans une situation délicate. Ici on propose un outil qui est technologique et les prévisions qui sont faites sont associées à des probabilités: ceci permet de les exploiter de façon prudente", conclut Vincent Castella.
Sujet radio: Marc Menichini
Adaptation web: Stéphanie Jaquet