"Nous avons constaté qu'en général, la qualité du sperme est médiocre, voire critique pour certaines personnes", affirme au micro de la RTS Serge Nef, professeur au Département de médecine génétique et de développement à l'Université de Genève (UNIGE).
C'est la première fois qu'une étude à grande échelle de la qualité du sperme a été menée en Suisse. Pendant 15 ans, plus de 2500 recrues âgées de 18 à 22 ans se sont portées volontaires pour donner un échantillon. Trois critères ont ensuite été mesurés dans le sperme: la motilité des spermatozoïdes, leur nombre et leur morphologie, selon des valeurs fixées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Selon les chercheurs, qui ont publié leurs résultats dans la revue médicale Andrology, plus de 60% des échantillons ont au moins l'un des trois paramètres qui se situe en dessous des normes de l'OMS. Quelque 5% ont un problème pour les trois facteurs simultanément.
Sous la norme, mais pas infertiles
Une baisse de la qualité du sperme ne va pas forcément entraîner le fait que le couple n'aura pas d'enfant.
Le nombre de spermatozoïdes dans l'éjaculat est déterminant. Or plus d'un jeune homme sur cinq (17%) était en dessous du seuil de 15 millions par millilitres (ml). La motilité des spermatozoïdes était encore plus critique: un quart des recrues avait des cellules trop peu mobiles. Et quelque 40% des jeunes avaient un taux de formes de spermatozoïdes normales qui était inférieur au seuil de 4%.
Il n'y aurait toutefois pas de quoi s'alarmer, selon les spécialistes de la reproduction. Ce résultat ne permet pas d'affirmer que les hommes auront des problèmes pour avoir des enfants. Selon Laurent Vaucher, urologue à la Clinique de Genolier (VD), "une baisse unique de la qualité du sperme à un moment donné ne va pas forcément entraîner le fait que le couple n'aura pas d'enfant. Parce que l'homme hypofertile peut être compensé par une femme normalement fertile".
D'autant que la qualité du sperme pour un même individu varie après 3 à 6 mois, période correspondant au cycle de régénération des spermatozoïdes.
Médiocre dans toute la Suisse
Selon les chercheurs, il n'y aurait pas de différence significative de la qualité du sperme entre les régions géographiques du pays, ni même entre milieu rural ou urbain.
Il est par ailleurs impossible de parler d'une baisse de la qualité ces dernières décennies, puisqu'il s'agit de la première étude du genre en Suisse. Mais des études épidémiologiques ont été menées dans plusieurs pays industrialisés, montrant une dégradation de la qualité spermatique, notamment la diminution de la concentration moyenne des spermatozoïdes de 99 millions par ml à 47 millions par ml en 50 ans.
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En comparaison internationale, la Suisse rejoint d'ailleurs le Danemark, la Norvège et l'Allemagne en queue de peloton. Mais pour calculer une tendance évolutive en Suisse, les chercheurs genevois espèrent relancer une étude de grande envergure, 20 ans après les premiers échantillons collectés il y a 15 ans.
Qualité du sperme et tabagisme maternel
Les causes de cette qualité médiocre sont encore difficiles à établir. En plus de l'échantillon de sperme, les jeunes hommes ont répondu à un questionnaire notamment sur leur santé, leur style de vie ou leur alimentation. Leurs parents ont également rempli un formulaire incluant le déroulement de la grossesse, afin d'évaluer d'éventuels impacts sur la santé reproductive.
S'il n'y avait qu'une seule explication, on l'aurait trouvée. C'est une combinaison de multiples paramètres qui pourraient affecter le sperme.
"S'il n'y avait qu'une seule explication, on l'aurait trouvée. C'est une combinaison de multiples paramètres qui pourraient affecter le sperme. On a montré dans cette étude que le tabagisme maternel par exemple avait un effet négatif sur la qualité du sperme des enfants", souligne Serge Nef.
Aurélie Coulon et Feriel Mestiri