«Il faut être conscient des dangers» que représentent internet,
a souligné le préposé lundi en présentant son rapport annuel devant
la presse. L'occasion pour lui de revenir sur la diffusion récente
sur la Toile par la police thurgovienne de la vidéo d'une agression
en gare de Kreuzlingen pour en retrouver les auteurs.
«Il s'agit d'une atteinte grave à l'intégrité physique». La mise
au pilori de délinquants pose problème, a-t-il dit. Après la police
thurgovienne, le Ministère public de Bâle-Ville a recouru au même
genre d'appel à témoins.
Etaler sa vie personnelle
D'une manière générale, l'Argovien rappelle que les données
chargées sur internet sont accessibles aux quatre coins du monde et
ne connaissent pas l'oubli. Un avertissement aux millions de
personnes, surtout de jeunes, qui surfent sur les sites de
réseautage et y étalent au grand jour des pans entiers de leur vie
personnelle.
Les exploitants de ces sites sont en mesure d'établir des profils
de la personnalité aussi complets que lucratifs, rappelle le
préposé. Facebook et consorts sont en outre devenus incontournables
au niveau politique. Le référendum contre les passeports
biométriques a été le premier à aboutir grâce à Internet.
Les services de Hanspeter Thür entendent observer avec vigilance
l'évolution du phénomène afin de détecter à temps les abus. Ils ont
ainsi diffusé sur leur portail des directives pour une utilisation
du Web sans danger.
«Pour que nous puissions accomplir notre devoir avec efficacité,
nous devons certes faire preuve de bon sens, mais avons aussi
besoin des autres acteurs sociaux». Hanspeter Thür compte en
premier lieu sur les écoles.
Le préposé se méfie également des comptes-rendus que l'on peut
trouver sur la Toile. Pas de problème si les images et les textes
mettent l'accent sur le contenu d'un évènement. En revanche,
portraiturer certains participants sans leur consentement ou les
mettre au pilori est une atteinte illégale à la personnalité.
Loi sur la transparence peu appliquée
Dans un rapport au Conseil fédéral, l'Argovien constate en outre
qu'après trois ans d'application, la loi sur la transparence n'a
pas porté tous ses fruits. Elle reste très peu connue du public et
le nombre de demandes de consultation des documents officiels reste
faible. La moyenne s'élève à environ 250 par an. «C'est extrêmement
peu», a commenté Martial Pasquier, professeur à l'Institut de
hautes études en administration publique.
A titre de comparaison, plusieurs milliers de demandes ont été
déposées au Royaume-Uni les deux mois qui ont suivi l'entrée en
vigueur de la loi. Plusieurs facteurs sont mis en avant: mise en
oeuvre décentralisée et pas homogène, absence de promotion de ce
nouveau droit, coûts très élevés pour la personne concernée en cas
de recours face à un refus de l'administration. La loi compte en
outre de très nombreuses exceptions qui permettent aux pouvoirs
publics de rejeter ou repousser les demandes, a noté Martial
Pasquier.
Autre lacune: le manque de moyens pour recourir à la justice. «Si
l'administration ne suit pas nos recommandations et que, pour des
raisons financières, le requérant ne porte pas le cas devant le
Tribunal administratif fédéral, il n'existe plus de possibilité de
règlement devant les juges», estime le préposé.
Hanspeter Thür demande donc que ses services puissent porter
eux-mêmes une affaire devant l'instance juridique la plus élevée.
Ses services disposent déjà d'un tel droit de recours direct dans
le domaine de la protection des données.
ats/ap/sbo
Téléchargements: une surveillance intrusive
Le Tribunal fédéral (TF) devra trancher la question de savoir jusqu'au doit aller la traque aux internautes qui téléchargent de la musique ou des films de pair à pair (P2P).
Le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) a annoncé lundi avoir fait recours contre le jugement du Tribunal administratif fédéral (TAF) portant sur les activités de la société Logistep, basée à Zoug.
Selon la décision du TAF publiée au début du mois, la lutte contre les téléchargements abusifs passe avant la protection des données personnelles des internautes.
Pour sa part, le Préposé fédéral avait estimé que la société Logistep portait atteinte à la personnalité des gens surveillés. Avec un logiciel de détection qu'elle a développé, la société basée à Zoug est en mesure d'espionner les internautes qui téléchargent, sur les réseaux P2P, les oeuvres protégées par des droits d'auteurs.
Pour ce faire, elle détecte les adresses IP (Internet Protocol) et d'autres données des machines servant au téléchargement, les stocke puis les transmet aux détenteurs des droits pour qu'ils puissent poursuivre en justice les contrevenants et réclamer des dommages et intérêts.
En janvier 2008, le Préposé fédéral à la protection des données avait demandé à la société zougoise de cesser sa collecte invisible des données au motif que cette chasse violait les droits des personnes.
Logistep, spécialisée dans la surveillance des réseaux et des échanges de fichiers, ayant refusé l'injonction du PFPDT, ce dernier avait fait appel au TAF pour qu'il lui ordonne de cesser cette activité de «piratage des pirates» et la transmission des données collectées. Le TAF a rejeté la plainte du Préposé.