Les preuves géologiques accumulées ces dernières années corroborent l'histoire de la vague de 8 mètres qui a déferlé en 563. Mais il manquait encore une autre preuve pour confirmer cette date: des vestiges archéologiques. Des ruines ont récemment été mises au jour dans un chantier de creusement d’un canal près de Noville (VD). "On voit bien un pan de mur avec des blocs liés au mortier qui est conservé, on voit qu’il a été déplacé", observe Morgan Millet, archéologue impliqué dans les fouilles. "Il a un pendage, pris dans cette masse qui a bougé. C’est un reliquat d’une occupation gallo-romaine sur le site."
Autour de cette découverte inédite se trouvent des restes de crémation et des objets du quotidien, emprisonnés eux aussi dans la strate de boue déformée. "L’écroulement est tombé sur les sédiments de la plaine du Rhône complètement gorgés d’eau", explique Philippe Schoeneich, géologue à l’Université de Grenoble. "L’impact a liquéfié les sédiments et les a transformés en une boue liquide qui s’est étalée à travers toute la plaine."
Objets antérieurs au tsunami
Une fois restaurés en laboratoire, les biens ont pu être datés. "Quelques objets sont plus remarquables que d’autres, comme une petite fibule romaine de forme circulaire, pas entièrement conservée, avec des perforations pour passer une chaînette", décrit Morgan Millet. "C’est un bijou de production romaine datée du IIIe siècle. Un autre objet très intéressant pour nous est une petite cuillère. Il y a deux hypothèses sur son utilisation: soit une cuillère à onguent pour les cosmétiques ou la médecine pour mélanger des décoctions, ou alors un cure-oreilles, de la période gallo-romaine."
L'objet le plus récent date environ du Ve siècle après Jésus-Christ. Donc le tsunami est postérieur. Mais aucun objet datant de 563 n'a été retrouvé dans cette strate. "On a des traces d’occupation qui sont antérieures à l’événement, avant le Ve siècle puis plus rien jusque-là", interprète l'archéologue. Pourquoi rien de strictement contemporain? "Parce qu’il faut imaginer une catastrophe violente, avec entre 10 et 30 millions de mètres cube qui tombent de la montagne dans cette plaine. Pour les tsunamis comme pour toute catastrophe naturelle actuelle, il ne reste pas grand-chose debout."
Les archéologues ne désespèrent pas de trouver davantage d'indices et gardent un œil sur les prochains chantiers de la région, pour connaître un jour toute la vérité sur l'histoire du tsunami du Léman.
Aurélie Coulon