«C'est la première fois qu'on parvient à manipuler l'émission de
substances volatiles dans le but d'améliorer la protection des
cultures», se réjouit Ivan Hiltpold, un des principaux co-auteurs
de l'étude, cité lundi dans un communiqué de l'UniNE. Ces travaux
sont publiés en ligne dans la revue américaine PNAS (Proceedings of
the National Academy of Sciences).
A Neuchâtel, le groupe de Ted Turlings, dont fait partie Ivan
Hiltpold, est connu pour avoir identifié chez le maïs la molécule
responsable de l'appel à l'aide: (E)-béta-caryophyllène. Cette
substance volatile est produite non seulement en cas d'attaque au
niveau des feuilles, mais aussi sous terre où la plante est victime
de la chrysomèle des racines du maïs, «Diabrotica virgifera
virgifera».
Pertes financières
Les larves de la chrysomèle des racines du maïs - aussi appelée
Diabrotica - sont responsable d'énormes pertes financières en
Amérique du Nord. Or le signal odorant attire des nématodes - de
minuscules vers - qui pénètrent les larves de Diabrotica et les
infectent avec une bactérie. Celle-ci, proliférant, liquéfie les
larves, et le tout nourrit les vers.
Les chercheurs neuchâtelois avaient montré que des variétés
américaines de maïs n'étaient plus capables de produire la
substance protectrice, perdue au terme d'un processus de sélection.
Leurs collègues de l'Institut Max Planck pour l'écologie chimique à
Iéna (D) et de l'Université technique de Munich, co-signataires de
l'étude, sont parvenus à rétablir cette propriété.
Gène d'origan
Pour ce faire, ils ont inséré dans une de ces variétés de maïs
un gène d'origan qui contrôle l'émission de la molécule manquante.
L'efficacité de la manipulation a été établie par Ivan Hiltpold
lors d'une expérience en champ dans le Missouri (USA). Elle
constitue le thème central de sa thèse de doctorat soutenue à
l'UniNE.
Dans des parcelles de maïs ayant recouvré la capacité de produire
de l'(E)-béta-caryophyllène, Ivan Hiltpold a relevé une diminution
de 60% des Diabrotica adultes par rapport aux secteurs où
poussaient des variétés non-modifiées. Cette performance est
comparable à celle des pesticides synthétiques communément utilisés
contre le coléoptère.
ats/ls
Lutte contre Diabrotica
«Notre étude montre qu'on peut renforcer un signal naturel pour augmenter l'efficacité de la lutte biologique contre un ravageur», commente Ted Turlings, chercheur à l'Université de Neuchâtel.
Elle ouvre notamment de belles perspectives de lutte contre Diabrotica, qui a commencé à se répandre en Europe depuis le début des années 1990.
Des variétés européennes de maïs ont conservé la capacité d'envoyer l'appel au secours chimique. On pourrait dès lors envisager de la réintroduire dans les variétés américaines par simple croisement. Toutefois, souligne de son côté l'Institut Max Planck, la méthode du génie génétique est plus rapide et elle évite que d'autres caractéristiques utiles disparaissent au cours du croisement.
Les scientifiques du Pôle national de recherche «Survie des plantes», piloté par l'UniNE, vont maintenant chercher les meilleurs moyens d'applications de cette technique. Les propriétés de diffusion du caryophyllène en font un signal souterrain susceptible de servir pour d'autres cultures. Une demande de brevet a été déposée.