Habituellement, un retrait survient lorsque quelqu'un se rend compte que des travaux de recherche publiés n'auraient pas dû l'être. Médecin de formation enseignant le journalisme médical à l'Université de New York, Ivan Oransky suit justement de très près le devenir des publications scientifiques. En 2010, il a co-fondé Retraction Watch, un blog qui piste ces retractations.
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De passage à Lausanne début juillet à l'occasion de la Conférence mondiale des journalistes scientifiques, il a expliqué dans l'émission Tout un monde de la RTS les motifs souvent peu clairs pour lesquels ces études sont retractées. Et moins ils sont clairs, plus il y a de chances qu'il y ait une histoire intéressante à gratter dessous.
"La plupart du temps, la science fonctionne très bien. Mais souvent, elle ne s'auto-corrige pas aussi bien qu'on le voudrait. L'idée du blog Retraction Watch, c'est d'écrire sur des histoires qui impliquent souvent des fautes professionnelles ou de la fraude scientifique, et les utiliser pour raconter la manière dont la science se fait réellement. Nous avons maintenant une base de données qui réunit plus de 19'000 rétractations, la plus complète au monde", détaille son fondateur.
"Il y a plus d'intérêt pour la recherche de fraudes"
D'après les chiffres d'Ivan Oransky, on est passé d'environ 40 retraits en 2000 à 1400 en 2016. Même si l'on tient compte de l'augmentation du nombre global de publications, il y a tout de même 20 fois plus d'articles par année rétractés aujourd'hui qu'au tout début du siècle.
Beaucoup de scientifiques de la jeune génération en ont assez de voir la science détournée, de voir des chercheurs confirmés s'en tirer impunément
Le signe d'une science qui deviendrait de mauvaise qualité? Pas forcément: "Depuis plusieurs années, il y a plus d'intérêt pour la recherche de fraudes. Je crois que beaucoup de scientifiques de la jeune génération en ont assez de voir la science détournée, de voir des chercheurs confirmés s'en tirer impunément malgré de graves fautes professionnelles, ou d'autres qui laissent passer ces écarts. Ils en ont marre. Or, ils ont de nouveaux outils, et aussi, je crois, une attitude différente vis-à-vis de la hiérarchie scientifique", avance Ivan Oransky. Il cite notamment la mise à disposition systématique de toutes les études en ligne, ou encore l'existence de programmes de détection de plagiat, qui génèrent à eux seuls environ un quart de toutes les rétractations.
Patients imaginaires
Le plagiat n'est pas le seul type de fraude représenté. "Nous avons un cas où quelqu'un a inventé tous les patients qui ont participé à ses essais cliniques pour étudier un antidouleur. Il a fini par faire de la prison. Il y a d'autres personnes qui falsifient des données. Nous avons aussi quelque 650 rétractions pour des cas de fausses évaluations par des pairs, où des gens ont en fait évalué leurs propres études", explique-t-il, soulignant l'ingéniosité et les efforts déployés par certains scientifiques qui, par exemple, manipulaient des e-mails pour faire croire à une relecture par un de leurs homologues.
Pour lui, il faut notamment revoir les mécanismes de correction de la science et s'assurer que, lorsqu'un article est retiré, il soit clairement désigné comme tel afin qu'il ne soit plus repris par les différentes plateformes médiatiques.
Sujet radio: Lucia Sillig
Adaptation web: Vincent Cherpillod